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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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connaissances recueillies, perfectionnées depuis plusieurs siècles. Il a fallu savoir quelle<br />

espèce de sable était susceptible de se transformer en une matière étendue, solide et<br />

transparente ; par quels mélanges, par quels degrés de chaleur on pouvait obtenir ce produit.<br />

Il a fallu connaître la meilleure forme à donner aux fourneaux. La charpente seule qui<br />

couvre une verrerie, est le fruit des connaissances les plus relevées sur la force des bois et<br />

sur les moyens de l’employer avec avantage.<br />

Ces connaissances ne suffisaient pas. Elles pouvaient n’exister que dans la mémoire de<br />

quelques personnes ou dans les livres. Il a fallu qu’un manufacturier vînt avec les moyens<br />

de les mettre en pratique. Il a commencé par s’instruire de ce qu’on savait sur cette branche<br />

d’industrie ; il a rassemblé des capitaux, des constructeurs, des ouvriers, et il a assigné à<br />

chacun son emploi.<br />

Enfin, l’adresse des ouvriers, dont les uns ont construit l’édifice et les fourneaux, dont<br />

les autres ont entretenu le feu, opéré le mélange, soufflé le verre, l’ont coupé, étendu,<br />

assorti, posé, cette adresse, dis-je, a complété l’ouvrage ; et l’utilité, la beauté du produit qui<br />

en est résulté, passe tout ce que pourraient imaginer des hommes qui ne connaîtraient point<br />

encore cet admirable présent de l’industrie humaine.<br />

Par le moyen de l’industrie, les plus viles matières ont été pourvues d’une immense<br />

utilité. Les chiffons, rebuts de nos ménages, ont été transformés en feuilles blanches et<br />

légères, qui portent au bout du monde les commandes du commerce et les procédés des arts.<br />

Dépositaires des conceptions du génie, elles nous transmettent l’expérience des siècles.<br />

Elles conservent les titres de nos propriétés ; nous leur confions les plus nobles comme les<br />

plus doux sentiments du cœur, et nous réveillons par elles, dans l’âme de nos semblables,<br />

des sentiments pareils. En facilitant à un point inconcevable toutes les communications des<br />

hommes entre eux, le papier doit être considéré comme un des produits qui ont le plus<br />

amélioré le sort de l’espèce. Plus heureuse encore si un moyen d’instruction si puissant<br />

n’était jamais le véhicule du mensonge et l’instrument de la tyrannie !<br />

Il convient d’observer que les connaissances du savant, si nécessaires au développement<br />

de l’industrie, circulent assez facilement d’une nation chez les autres. Les savants euxmêmes<br />

sont intéressés à les répandre ; elles servent à leur fortune, et établissent leur<br />

réputation qui leur est plus chère que leur fortune. Une nation, par conséquent, où les<br />

sciences seraient peu cultivées, pourrait néanmoins porter son industrie assez loin en<br />

profitant des lumières venues d’ailleurs. Il n’en est pas ainsi de l’art d’appliquer les<br />

connaissances de l’homme à ses besoins, et du talent de l’exécution. Ces qualités ne<br />

profitent qu’à ceux qui les ont ; aussi un pays où il y a beaucoup de négociants, de<br />

manufacturiers et d’agriculteurs habiles, a plus de moyens de prospérité que celui qui se<br />

distingue principalement par la culture de l’esprit. À l’époque de la renaissance des lettres<br />

en Italie, les sciences étaient à Bologne ; les richesses étaient à Florence, à Gênes, à Venise.<br />

L’Angleterre, de nos jours, doit ses immenses richesses moins aux lumières de ses<br />

savants, quoiqu’elle en possède de très recommandables, qu’au talent remarquable de ses<br />

entrepreneurs pour les applications utiles, et de ses ouvriers pour la bonne et prompte<br />

exécution. L’orgueil national qu’on reproche aux anglais ne les empêche pas d’être la plus<br />

souple des nations lorsqu’il s’agit de se ployer aux besoins des consommateurs ; ils<br />

fournissent de chapeaux le nord et le midi, parce qu’ils savent les faire légers pour le midi,<br />

et chauds pour le nord. La nation qui ne sait les faire que d’une façon n’en vend pas ailleurs<br />

que chez elle.<br />

L’ouvrier anglais seconde l’entrepreneur ; il est en général laborieux et patient ; il n’aime<br />

pas que l’objet de son travail sorte de ses mains avant d’avoir reçu de lui toute la précision,<br />

toute la perfection qu’il comporte. Il n’y met pas plus de temps ; il y met plus d’attention,<br />

de soin, de diligence, que la plupart des ouvriers des autres nations.

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