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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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nonobstant la multitude de désœuvrés et de travailleurs improductifs dont fourmillent nos<br />

sociétés. Il a cherché dans la division du travail la source de cette abondance 65 ; et il n’y a<br />

pas de doute que la séparation des occupations, ainsi que nous le verrons d’après lui,<br />

n’ajoute beaucoup à la puissance productive du travail ; mais elle ne suffit pas pour<br />

expliquer ce phénomène, qui n’a plus rien de surprenant quand on considère le pouvoir des<br />

agents naturels que la civilisation et l’industrie font travailler à notre profit.<br />

Smith convient que l’intelligence humaine et la connaissance des lois de la nature<br />

permettent à l’homme d’employer avec plus d’avantages les ressources qu’elle lui présente ;<br />

mais il attribue à la séparation des occupations l’intelligence même et le savoir de<br />

l’homme ; et il a raison jusqu’à un certain point, puisqu’un homme, en s’occupant<br />

exclusivement d’un art ou d’une science, a eu plus de moyens d’en avancer les progrès.<br />

Cependant le procédé de la nature une fois connu, la production qui en résulte n’est pas le<br />

produit du travail de l’inventeur. Le premier homme qui a su amollir les métaux par le feu,<br />

n’est pas le créateur actuel de l’utilité que ce procédé ajoute au métal fondu. Cette utilité est<br />

le résultat de l’action physique du feu jointe à l’industrie et aux capitaux de ceux qui<br />

emploient le procédé. D’ailleurs, n’y a-t-il pas des procédés que l’homme doit au hasard, ou<br />

qui sont tellement évidents par eux-mêmes, qu’il n’a fallu aucun art pour les trouver <br />

Lorsqu’on abat un arbre, produit spontané de la nature, la société n’est-elle pas mise en<br />

possession d’un produit supérieur à ce que la seule industrie du bûcheron est capable de lui<br />

procurer <br />

J’ai donc lieu de croire que Smith n’a pas en ce point donné une idée complète du<br />

phénomène de la production ; ce qui l’a entraîné dans cette fausse conséquence : c’est l’idée<br />

que toutes les valeurs produites représentent un travail récent ou ancien de l’homme, ou, en<br />

d’autres termes, que la richesse n’est que du travail accumulé ; d’où, par une seconde<br />

conséquence qui me paraît également contestable, le travail est la seule mesure des<br />

richesses ou des valeurs produites.<br />

On voit que ce système est l’opposé de celui des économistes du dix-huitième siècle, qui<br />

prétendaient au contraire que le travail ne produit aucune valeur sans consommer une valeur<br />

équivalente ; que, par conséquent, il ne laisse aucun excédant, aucun produit net, et que la<br />

terre seule, fournissant gratuitement une valeur, peut seule donner un produit net. Il y a du<br />

système dans l’une et l’autre thèse ; je ne le fais remarquer que pour qu’on se mette en<br />

garde contre les conséquences dangereuses qu’on peut tirer d’une première erreur 66 , et pour<br />

ramener la science à la simple observation des faits. Or, les faits nous montrent que les<br />

valeurs produites sont dues à l’action et au concours de l’industrie, des capitaux 67 et des<br />

65 Voici les propres expressions de Smith : « It is great multiplication of the productions of all the différent arts,<br />

in consequence of the division of labour, which occasions, in a well governed society, that universal opulence<br />

which extends itself to the lowest ranks of the people. » WHALTH OF NATIONS, book I, Chap. I.<br />

66 On sait qu’entre autres conséquences dangereuses que les Économistes ont tirées de leurs systèmes est la<br />

convenance de remplacer tous les impôts par un impôt unique sur les terres, assurés qu’ils étaient que cet impôt<br />

atteindrait toutes les valeurs produites. Par un motif contraire, et en conséquence de cette partie systématique de<br />

Smith, on pourrait, et tout aussi injustement, décharger de toute contribution les profits des fonds de terre et des<br />

capitaux, dans la persuasion qu’ils ne contribuent en rien à la production de la valeur.<br />

67 Quoique Smith ait reconnu le pouvoir productif des fonds de terre, il a méconnu celui des valeurs capitales,<br />

qui cependant leur sont parfaitement analogues. Une machine, telle, par exemple, qu’un moulin à huile dans<br />

lequel on a employé une valeur capitale de 20,000 francs, et qui donne un produit net de 1000 francs par an, tous<br />

les autres frais payés, donne un produit précisément aussi réel que celui d’une terre de 20 000 francs qui donne<br />

1000 francs de produit net ou de fermage, tous frais payés. Smith prétend qu’un moulin de 20000 francs<br />

représente un travail de 20000 francs répandu à diverses époques sur les pièces dont se compose le moulin ; et<br />

que, par conséquent, le produit annuel du moulin est le produit de ce travail antérieur. Smith se trompe : le<br />

produit de ce travail antérieur est la valeur du moulin lui-même, si l’on veut ; mais la valeur journellement

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