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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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donner une nouvelle valeur aux matières qu’on a déjà, comme lorsque l’on transforme de la<br />

laine en drap.<br />

À cet argument, les économistes répliquaient que la valeur additionnelle répandue sur un<br />

produit par un manufacturier ou ses ouvriers, est balancée par la valeur que ce<br />

manufacturier a consommée pendant sa fabrication. Ils disaient que la concurrence des<br />

manufacturiers entre eux ne leur permet pas d’élever leur prix au-delà de ce qui est<br />

nécessaire pour les indemniser de leurs propres consommations ; et qu’ainsi leurs besoins<br />

détruisant d’un côté ce que leur travail produit de l’autre, il ne résulte de ce travail aucun<br />

accroissement de richesses pour la société 49 .<br />

Il aurait fallu que les économistes prouvassent, en premier lieu, que la production des<br />

artisans et manufacturiers est nécessairement balancée par leurs consommations. Or, ce<br />

n’est point un fait. Dans un pays anciennement civilisé et très industrieux, le nombre et<br />

l’importance des entreprises de commerce et de manufactures procurent une somme de<br />

revenus plus considérables que l’agriculture ; et les épargnes qu’on y fait annuellement<br />

excèdent probablement, au contraire, celles qui se font parmi les propriétaires des terres.<br />

En second lieu, les profits résultants de la production manufacturière, pour avoir été<br />

consommés et avoir servi à l’entretien des manufacturiers et de leurs familles, n’en ont pas<br />

moins été réels et acquis. Ils n’ont même servi à leur entretien que parce que c’étaient des<br />

richesses réelles, et tout aussi réelles que celles des propriétaires fonciers et des agriculteurs,<br />

qui se consomment de même en servant à l’entretien de ces classes.<br />

L’industrie commerciale concourt à la production de même que l’industrie<br />

manufacturière, en élevant la valeur d’un produit par son transport d’un lieu dans un autre.<br />

Un quintal de coton du Brésil a acquis la faculté de pouvoir servir, et vaut davantage dans<br />

un magasin d’Europe que dans un magasin de Fernambouc. C’est une façon que le<br />

commerçant donne aux marchandises ; une façon qui rend propres à l’usage, des choses qui,<br />

autrement placées, ne pouvaient être employées ; une façon non moins utile, non moins<br />

compliquée et non moins hasardeuse qu’aucune de celles que donnent les deux autres<br />

industries. Le commerçant se sert aussi, et pour un résultat analogue, des propriétés<br />

naturelles du bois, des métaux dont ses navires sont construits, du chanvre qui compose ses<br />

voiles, du vent qui les enfle, de tous les agents naturels qui peuvent concourir à ses<br />

desseins, de la même manière qu’un agriculteur se sert de la terre, de la pluie et des airs 50 .<br />

49 Mercier de La Rivière (Ordre naturel des Sociétés <strong>politique</strong>s, tome II, page 255), cherchant à prouver que le<br />

travail des manufactures est stérile, non productif, fait un argument que je crois utile de repousser, parce qu’il a<br />

été reproduit sous différentes formes, quelquefois assez spécieuses. Il dit que si l’on prend pour des réalités les<br />

faux produits de l’industrie, on doit, pour être conséquent, multiplier inutilement la main-d’œuvre pour<br />

multiplier les richesses. Mais, de ce que la main-d’œuvre produit une valeur quand elle a un résultat utile, il ne<br />

s’ensuit pas qu’elle produise une valeur quand elle a un résultat inutile ou nuisible. Tout travail n’est pas<br />

productif ; il ne l’est que lorsqu’il ajoute une valeur réelle à une chose quelconque ; et ce qui prouve encore<br />

mieux combien ce raisonnement des Économistes d’alors est vide de sens, C’est qu’il peut être employé contre<br />

leur propre système, tout aussi bien que contre le système opposé. Il suffirait de leur dire : « Vous convenez que<br />

l’industrie du cultivateur est productive ; il n’a donc qu’à labourer ses terres dix fois par an, et les ensemencer<br />

aussi souvent, pour décupler leurs produits », ce qui est absurde.<br />

50 Genovesi, qui occupait à Naples une chaire d’économie <strong>politique</strong>, définit le commerce : l’échange du<br />

superflu contre le nécessaire. Il se fonde sur ce que, dans un échange, la marchandise qu’on veut avoir est, pour<br />

l’un et l’autre contractant, plus nécessaire que celle qu’on veut donner. C’est une subtilité ; et je la signale, parce<br />

qu’elle est souvent reproduite. Il serait difficile de prouver qu’un pauvre ouvrier, qui va le dimanche au cabaret,<br />

y donne son superflu en échange de son nécessaire. Dans tout commerce qui n’est pas une escroquerie, on<br />

échange entre elles deux choses qui, au moment et dans le lieu où se fait l’échange, valent autant l’une que<br />

l’autre. La production commerciale, c’est-à-dire la valeur ajoutée aux marchandises échangées, n’est point le fait<br />

de l’échange, mais le fait des opérations commerciales qui les ont fait arriver.

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