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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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C’est au moyen seulement de l’industrie que les hommes peuvent être pourvus, avec<br />

quelque abondance, des choses qui leur sont nécessaires, et de cette multitude d’autres<br />

objets dont l’usage, sans être d’une nécessité indispensable, marque cependant la différence<br />

d’une société civilisée à une horde de sauvages. La nature, abandonnée à elle-même, ne<br />

fournirait qu’imparfaitement à l’existence d’un petit nombre d’hommes. On a vu des pays<br />

fertiles, mais déserts, ne pouvoir nourrir quelques infortunés que la tempête y avait jetés par<br />

hasard ; tandis que, grâce à l’industrie, on voit en beaucoup d’endroits une nombreuse<br />

population subsister à l’aise sur le sol le plus ingrat.<br />

On donne le nom de produits aux choses que l’industrie a su créer. Leurs auteurs<br />

deviennent par là possesseurs d’une nouvelle portion de richesses dont ils peuvent jouir, soit<br />

immédiatement, soit après l’avoir échangée contre tout autre objet de valeur équivalente.<br />

Il est rare qu’un produit soit le résultat d’un seul genre d’industrie. Une table est un<br />

produit de l’industrie agricole qui a abattu l’arbre dont elle est faite, et de l’industrie<br />

manufacturière qui l’a façonnée. Le café est pour l’Europe un produit de l’agriculture qui a<br />

planté et recueilli cette graine en Arabie ou ailleurs, et de l’industrie commerciale qui la met<br />

entre les mains du consommateur.<br />

Ces trois sortes d’industrie, qu’on peut, si l’on veut, diviser en une foule de<br />

ramifications, concourent à la production exactement de la même manière. Toutes donnent<br />

une utilité à ce qui n’en avait point, ou accroissent celle qu’une chose avait déjà. Le<br />

laboureur, en semant un grain de blé, en fait germer vingt autres ; il ne les tire pas du néant :<br />

il se sert d’un outil puissant qui est la terre, et il dirige une opération par laquelle différentes<br />

substances, auparavant répandues dans le sol, dans l’eau, dans l’air, se changent en grains<br />

de blé.<br />

La noix de galle, le sulfate de fer, la gomme arabique, sont des substances répandues<br />

dans la nature ; l’industrie du négociant, du manufacturier, les réunit, et leur mélange donne<br />

cette liqueur noire qui fixe nos pensées sur le papier. Ces opérations du négociant, du<br />

manufacturier, sont analogues à celles du cultivateur, et celui-ci se propose un but et<br />

emploie des moyens du même genre que les deux autres.<br />

Personne n’a le don de créer de la matière ; la nature même ne le peut pas. Mais tout<br />

homme peut se servir des agents que lui offre la nature pour donner de l’utilité aux choses,<br />

et même toute industrie ne consiste que dans l’usage qu’on fait des agents fournis par la<br />

nature ; le produit du travail le plus parfait, celui dont presque toute la valeur est en maind’œuvre,<br />

n’est-il pas ordinairement le résultat de l’action de l’acier dont les propriétés sont<br />

un don de la nature, s’exerçant sur une matière quelconque, autre don de la nature 48 <br />

C’est pour avoir méconnu ce principe, que les économistes du dix-huitième siècle, qui<br />

comptaient parmi eux des écrivains d’ailleurs très éclairés, sont tombés dans de graves<br />

erreurs. Ils n’accordaient le nom de productive qu’à cette industrie qui nous procure de<br />

nouvelles matières, à l’industrie de l’agriculteur, du pêcheur, du mineur. Ils ne faisaient pas<br />

attention que ces matières ne sont des richesses qu’en raison de leur valeur, car de la<br />

matière sans valeur n’est pas richesse ; témoin l’eau, les cailloux, la poussière. Or, si c’est<br />

uniquement la valeur de la matière qui fait la richesse, il n’est nullement nécessaire de tirer<br />

de nouvelles matières du sein de la nature, pour créer de nouvelles richesses ; il suffit de<br />

48 Algarotti, dans ses Opuscules, cite comme un exemple du prodigieux accroissement de valeur donné à un<br />

objet par l’industrie les ressorts spiraux qui ramènent le balancier des montres. Une livre de fer brut coûte<br />

environ 5 sous à le fabrique. On en fait de l’acier, et avec cet acier le petit ressort qui meut le balancier d’une<br />

montre. Chacun de ces ressorts ne pèse qu’un dixième de grain, et, quand il est parfait, il peut se vendre jusqu’à<br />

18 francs. Avec une livre de fer, on peut fabriquer, en accordant quelque chose pour le déchet, quatre-vingt mille<br />

de ces ressorts, et porter par conséquent une matière qui vaut 5 sous à une valeur de 1,440,000 francs.

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