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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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Le gouvernement qui veut recevoir un principal et qui ne peut le payer qu’en donnant<br />

une rente annuelle, met en vente la promesse de cette rente que nous supposerons ici de 5 fr,<br />

et la cède, entre les différentes compagnies de prêteurs, à celle qui, pour l’obtenir, lui offre<br />

le plus gros capital. Jusque-là, et en supposant que l’emprunt soit suffisamment justifié par<br />

des besoins véritables, cette marche n’a rien que de conforme aux intérêts du public ; car,<br />

plus l rente de 5 fr est payée chèrement, et moins l’état a de semblables rentes à fournir pour<br />

obtenir le capital dont il a besoin. Mais, dans l’exécution, cette opération devient plus<br />

compliquée et plus fâcheuse. Afin d’assurer le titre du prêteur, et pour déguiser en même<br />

temps le taux de l’intérêt, le gouvernement consent à supposer que le prêteur a versé dans<br />

ses caisses une somme de 100 fr et qu’il lui en paie l’intérêt à 5 pour cent, quoique la<br />

compagnie financère qui s’est chargée de l’emprunt, n’ait payé cette même rente de 5 fr que<br />

89 fr, 72 fr, 60 fr et même moins ; de sorte que dans ce dernier cas, par exemple, l’état se<br />

reconnaît débiteur pour chaque rente de 5 fr, outre la somme de 60 fr qu’il a reçue, d’une<br />

somme imaginaire de 40 fr qu’il n’a pas reçue.<br />

On comprend que par ce moyen, l’intérêt pouvant être porté aussi haut qu’on le veut sans<br />

être stipulé, un gouvernement peut emprunter, quel que soit le crédit dont il jouit. S’il en a<br />

peu, l’intérêt peut être à un taux tel que la portion d’intérêt qui représente la prime<br />

d’assurance offerte au prêteur, couvre son risque, quoique fort grand ; et qu’un<br />

gouvernement qui reçoit peu de capital pour chaque rente de 5 fr qu’il donne, peut<br />

néanmoins toucher la somme qu’il désire, en multipliant les rentes d’autant plus qu’il les<br />

vend moins cher.<br />

Dans le siècle dernier, les gouvernements ne pouvaient guère trouver de prêteurs que<br />

parmi leurs sujets, ou tout au plus parmi les capitalistes qui avaient avec leurs sujets de<br />

fréquentes relations. Par l’intermédiaire des compagnies financières, ils en ont trouvé chez<br />

toutes les nations commerçantes du monde. Ces compagnies ont des correspondans et<br />

même des associés dans toutes les grandes villes de l’Europe. Chacune des maisons<br />

correspondantes, par la connaissance qu’elle a des capitalistes qui se trouvent dans sa<br />

résidence et parmi ses relations, peut estimer par aperçu la somme de rentes qui pourront<br />

être placées à Londres, à Vienne, à Francfort, à Amsterdam, à Hambourg, etc. Le taux<br />

auquel la compagnie consent à se charger d’un emprunt, est toujours inférieur à celui auquel<br />

se vendent les rentes analogues dans ces différentes villes, qui deviennent des marchés<br />

toujours ouverts pour les emprunts que font les différents gouvernements de l’Europe et de<br />

l’Amérique. Les gouvernements ne sont plus obligés de solliciter et de mériter la confiance<br />

du public ; cela devient l’affaire des traitants, et les moyens qu’ils mettent en œuvre dans ce<br />

but, leur réussissent d’autant mieux qu’ils font eux-mêmes partie des nations, et mettent<br />

dans ces sortes de spéculations l’intelligence et l’activité qui président ordinairement aux<br />

affaires privées 484 .<br />

484 M. Dufresne de Saint-Léon, que rendent extrêmement recommandable ses connaissances pratiques, et la<br />

part honorable qu’il a prise, pendant de nombreuses années, à l’administration des finances de France, a donné<br />

dans un écrit publié en 1824 (Études du crédit public, page 95), et en déguisant les noms d’hommes et de lieux,<br />

un exemple des manœuvres qui sont mises en pratique par les traitants pour pouvoir vendre avec profit les<br />

emprunts dont ils se sont chargés. Le gouvernement de Naples, par supposition, ouvre un emprunt de cent<br />

millions portant un intérêt de cinq millions. Le juif Samuel, parlant tant en son propre nom qu’au nom de ses cointéressés,<br />

en offre 65 pour cent ; c’est-à-dire qu’il offre 65 millions d’un capital de 100 millions, dont le<br />

gouvernement napolitain se reconnaît débiteur, et s’engage à verser cette somme en douze termes, de mois en<br />

mois. La compagnie Samuel, toute riche qu’elle est, n’a pas 65 millions, et n’a aucune envie d’ailleurs de confier<br />

ses capitaux à quelque gouvernement que ce soit, mais de les recouvrer avec de gros bénéfices pour entreprendre<br />

une nouvelle affaire du même genre avec le gouvernement russe ou autrichien. Elle met en conséquence sa rente<br />

napolitaine en vente sur tous les marchés de l’Europe. En même temps, elle charge ses agents à Londres, à Paris<br />

et ailleurs, d’acheter des parties de cette même rente, aux prix de 66, 67, et davantage. Le prix élevé qu’elle en

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