15.01.2015 Views

Traité d'économie politique - Institut Coppet

Traité d'économie politique - Institut Coppet

Traité d'économie politique - Institut Coppet

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

n’est autre chose que la substitution d’un créancier de l’état à un autre, et la répétition d’une<br />

opération semblable ne fait que multiplier les frais dont chacune d’elles est accompagnée.<br />

Quant aux gains qui proviennent des variations du cours, ils sont toujours fondés sur une<br />

perte équivalente supportée par d’autres personnes 478 .<br />

Le mal est bien plus grand lorsque l’achat et la vente des fonds publics, devenus fictifs<br />

par des marchés à terme, ne sont plus qu’un jeu où le gain n’est que la dépouille des joueurs<br />

479<br />

malheureux ou peut-être moins bien informés .<br />

On a dit qu’une dette publique attachait au sort du gouvernement tous les créanciers de<br />

l’état, et que ceux-ci, associés à sa bonne comme à sa mauvaise fortune, devenaient ses<br />

appuis naturels. C’est très vrai. Mais ce moyen de conservation, s’appliquant à un mauvais<br />

ordre de choses comme à un bon, est précisément aussi dangereux pour une nation qu’il<br />

peut lui être utile. Voyez l’Angleterre, où cette raison, dans bien des cas, a contraint une<br />

foule de gens très honnêtes à soutenir une administration très perverse, et un régime rempli<br />

480<br />

d’abus .<br />

On a dit que la dette publique fixait l’état de l’opinion sur la confiance que mérite le<br />

gouvernement, et que Dès lors le gouvernement, jaloux de maintenir un crédit dont elle<br />

montre le degré, était plus intéressé à se bien conduire. Il convient de faire ici une<br />

distinction. se bien conduire pour les créanciers de l’état, c’est payer exactement les<br />

arrérages de la dette ; se bien conduire pour le contribuable, c’est dépenser peu. Le prix<br />

courant des rentes offre à la vérité un gage de la première manière de se bien conduire, mais<br />

nullement de la seconde. Il ne serait peut-être pas même extravagant de dire que l’exact<br />

paiement de la dette, loin d’être une garantie de bonne administration, y supplée en<br />

beaucoup de cas.<br />

478 On a prétendu que la hausse graduelle des fonds publics, quand elle n’était pas suivie d’une baisse,<br />

équivalait pour les vendeurs à un accroissement de capital sans entraîner de perte pour qui que ce fût. Il faut<br />

toujours se défier de ces effets magiques où quelque chose vient de rien. Il est impossible qu’un homme puisse<br />

jouir d’une valeur (qui n’est pas créée) sans que ce soit aux dépens de quelqu’un. Lorsque l’État a vendu pour 65<br />

francs une rente de 5 francs, au capital de 100 francs, il a constitué la nation débitrice d’une valeur de 100 francs<br />

que le prêteur a acquise pour 65 francs. Les 35 francs que se partagent, dans ce cas, les joueurs à la hausse, sont<br />

une perte supportée par les contribuables qui paient une rente équivalente à un principal de la valeur de 100<br />

francs, principal dont ils n’ont touché que 65 francs.<br />

479 Dans les marchés à terme, le vendeur s’engage à livrer à une époque déterminée, une certaine quantité<br />

d’effets publics à un certain prix. Quand le terme est venu, si le cours de l’effet que le vendeur doit livret est plus<br />

élevé que le prix auquel il a vendu, au lieu de livrer l’effet, il paie à l’acheteur la différence des deux prix ; si le<br />

cours est plus bas, c’est l’acheteur qui, au lieu de prendre livraison de l’effet, paie la différence. On voit que les<br />

obligations fournies par le gouvernement ne sont pour rien dans les jeux de bourse, si ce n’est pour fournir le<br />

cours qui sert de base au paiement des différences. Les joueurs ne sont point des prêteurs véritables, mais de<br />

simples parieurs qui font une gageure qu’à une époque déterminée, les obligations du gouvernement seront audessus<br />

ou au-dessous d’un certain prix.<br />

On ne peut sans gémir penser aux abus qui peuvent résulter d’un semblable jeu. Les gouvernants influent sur le<br />

cours des effets publics de bien des manières : ils font exécuter des achats par les caisses d’amortissement, ou<br />

bien les leur défendent ; ils se brouillent ou se raccommodent avec d’autres gouvernements, et rendent ou non de<br />

nouveaux emprunts nécessaires ; ils préparent dans le secret du conseil des lois dont l’effet inévitable sera de<br />

faire monter ou baisser les engagements de l’État. Les personnes qui sont à portée de savoir les mesures que l’on<br />

prépare, et de connaître avant les particuliers, les occurrences étrangères qui peuvent influer sur le prix des fonds<br />

publics ; les personnes qui reçoivent les informations données par les agents accrédités ou secrets, par les<br />

courriers extraordinaires et par les télégraphes ; ces personnes, dis-je, peuvent d’avance faire, au moyen de leurs<br />

affidés, des achats et des ventes ruineux pour les joueurs qui n’ont pas les mêmes avantages.<br />

480 On peut voir dans les écrits de Jérémie Bentham à quel point est porté l’abus des frais de procédure, des<br />

sinécures, le fardeau qu’impose à la nation le clergé de l’église dominante, et bien d’autres abus qui<br />

malheureusement ne peuvent être corrigés par des moyens légaux, puisque la majorité de la législature est<br />

nommée sous l’influence des classes privilégiées elles-mêmes qui en profitent.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!