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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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fonds employés par l’agriculture, devraient naturellement fixer leur prix ; concurrence<br />

impossible soutenir. Un tel impôt, non seulement ôte aux cultivateurs une portion de leurs<br />

produits, mais les empêche de tirer parti de la portion qu’il ne leur ôte pas.<br />

Le maréchal de Vauban, dans sa dixme royale, ouvrage d’un esprit juste, et qui mérite<br />

d’être étudié par tous les administrateurs de la fortune publique, propose une dixme du<br />

vingtième des fruits de la terre, qu’on pourrait à la rigueur, et dans un cas de nécessité,<br />

élever jusqu’au dixième. Mais Vauban proposait cet impôt inégal pour remédier à une<br />

inégalité encore plus grande : les besoins de l’état étaient urgens, les ressources épuisées ; il<br />

s’agissait d’atteindre, fût-ce imparfaitement, les biens nobles et les biens ecclésiastiques,<br />

qui ne payaient rien. À l’époque où Vauban donna son plan, la France en aurait éprouvé un<br />

grand soulagement, et il conduisait à l’abolition des privilèges. C’est pour cela même qu’il<br />

fut rejeté.<br />

En 1692, quatre ans après l’heureuse révolution qui plaça le prince d’Orange sur le trône<br />

d’Angleterre, on fit une évaluation générale des revenus territoriaux de ce royaume, et cette<br />

évaluation sert de base encore aujourd’hui à la répartition de l’impôt territorial qu’on y<br />

lève ; de manière que, quand l’impôt est fixé au cinquième des revenus fonciers, ce n’est<br />

pas le cinquième du revenu foncier actuel qu’on perçoit, c’est le cinquième du revenu<br />

évalué en 1692.<br />

On sent qu’un tel impôt adu être singulièrement favorable aux améliorations agricoles.<br />

Un fonds amélioré, et qui rapporte un revenu décuple de ce qu’il rapportait dans l’origine,<br />

ne paie point une décuple taxe. Si on l’a laissé se détériorer, il n’en paie pas moins comme<br />

si son revenu était resté le même. La négligence est condamnée à une amende.<br />

Plusieurs écrivains attribuent à cette fixité d’évaluation, la haute prospérité où<br />

l’agriculture est portée en Angleterre.<br />

Qu’elle y ait beaucoup contribué, c’est ce dont il n’est pas permis de douter. Mais que<br />

dirait-on, si le gouvernement, s’adressant à un petit négociant, lui tenait ce langage : vous<br />

faites, avec de faibles capitaux, un commerce borné, et votre contribution directe est, en<br />

conséquence, peu de chose. Empruntez et accumulez des capitaux ; étendez votre<br />

commerce, et qu’il vous procure d’immenses profits ; vous ne paierez toujours que la même<br />

contribution. Bien plus : quand vos héritiers succèderont à vos prfits, et les auront<br />

augmentés, on ne les évaluera que comme ils furent évalués pour vous, et vos successeurs<br />

ne supporteront pas une plus forte part des charges publiques 471 .<br />

Sans doute ce serait un grand encouragement donné aux manufactures et au commerce ;<br />

mais serait-il équitable Leurs progrès ne pourraient-ils avoir lieu qu’à ce prix En<br />

Angleterre même, l’industrie manufacturière et commerciale n’a-t-elle pas, depuis la même<br />

époque, fait des pas plus rapides encore, sans jouir de cette injuste faveur <br />

471 Ricardo a fait sur ce passage (chap. 12) une critique dont voici le fond : Une bonification est un nouveau<br />

capital répandu sur la terre. Il n’est pas plus équitable de mettre un impôt sur ce nouveau capital, que sur toute<br />

autre accumulation. A quoi l’on peut répondre qu’un meilleur emploi du fonds de terre n’est pas toujours un<br />

nouveau capital. Quand un cultivateur supprime les jachères et tire un revenu des années qui étaient perdues,<br />

l’impôt qu’on fait payer à ce revenu est bien assis sur le pouvoir productif du sol. En second lieu, les<br />

accumulations répandues sur un bien-fonds perdent leur nature de capital pour prendre la nature du fonds et se<br />

soumettre à toutes les conditions qui en dérivent. Enfin, quand ces accumulations conserveraient la nature de<br />

capital, on ne voit pas pourquoi le revenu qui en résulte serait plus ménagé par le fisc que le revenu des<br />

accumulations qui fécondent les autres industries.<br />

Je ne m’arrête aux critiques qu’on fait de mes ouvrages, et qui me paraissent peu fondées, que lorsque mon<br />

critique, comme c’est ici le cas, peut faire autorité par sa haute capacité et son incontestable bonne foi. Si je<br />

voulais répondre aux autres, je doublerais le volume de cet ouvrage aux dépens du lecteur.

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