15.01.2015 Views

Traité d'économie politique - Institut Coppet

Traité d'économie politique - Institut Coppet

Traité d'économie politique - Institut Coppet

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

entretenir unies, propres et soignées, à l’exemple de ces seigneurs italiens qui habitent des<br />

palais qu’on ne balaie point.<br />

Quoi qu’il en soit, il y a le long des routes dont je parle, 120 pieds qu’on pourrait rendre<br />

à la culture, ce qui fait pour chaque lieue commune 50 arpens. Maintenant, qu’on mette<br />

ensemble le fermage de ces arpens, l’intérêt des frais de confection, et les frais annuels<br />

d’entretien de la largeur inutile (qui coûte, quoique mal entretenue), et l’on saura à quel prix<br />

la France jouit de l’honneur, qui n’en est pas un, d’avoir des routes deux ou trois fois trop<br />

larges, pour arriver à des villes dont les rues sont quatre fois trop étroites 429 .<br />

Les routes et les canaux sont des établissements publics très dispendieux, même dans les<br />

pays où ils sont établis judicieusement et avec économie. Néanmoins il est probable que le<br />

service qu’en tire la société excède, dans la plupart des cas, de beaucoup la dépense<br />

annuelle qu’ils lui causent. Pour s’en convaincre, il faut se reporter à ce que j’ai dit de la<br />

production de valeur due uniquement à l’industrie commerciale, au transport opéré d’un lieu<br />

dans un autre<br />

430 , et du principe que tout ce qui est épargné sur les frais de production est un<br />

profit pour le consommateur 431 . À ce compte, si l’on évalue le transport que coûteraient<br />

toutes les marchandises et toutes les denrées qui passent annuellement sur cette route, en<br />

supposant qu’elle ne fût pas faite, et si l’on compare l’énorme dépense de tous ces<br />

transports avec ce qu’ils coûtent dans l’état actuel, la différence donnera le montant du gain<br />

que font les consommateurs de ces denrées et marchandises, gain réel et complet pour la<br />

nation 432 .<br />

Les canaux procurent un gain encore plus considérable, parce qu’il en résulte une<br />

433<br />

économie encore plus forte .<br />

Quant aux édifices publics sans utilité, comme les palais fastueux, les arcs de triomphe,<br />

lescolonnes monumentales, c’est le luxe des nations : il n’est pas plus aisé de le justifier que<br />

le luxe des particuliers. La satisfaction creuse qu’en retire la vanité d’un peuple ou d’un<br />

prince, ne balance pas les frais, et trop souvent les larmes qu’elle coûte. Les actions utiles et<br />

vertueuses n’ont pas besoin de tant d’éclat. Sont-ce des succès militaires qu’on veut<br />

célébrer Quel monument élèvera-t-on qui dure autant que l’histoire Les trophées qu’un<br />

vainqueur s’érige à lui-même sont des insultes aux nations vaincues, qui peuvent presque<br />

toujours y répondre par des insultes semblabls. Les peuples ont besoin de se donner des<br />

gages de paix, et non de guerre.<br />

429 Sur cette largeur perdue dans plusieurs routes de France, le voyageur à pied ne trouve nulle part un trottoir<br />

ferré, praticable en tout temps, point de bancs de pierre pour se reposer, point d’abris pour laisser passer un<br />

orage, point de fontaines pour se désaltérer : avantages qu’on pourrait se procurer à peu de frais.<br />

430 Livre I, chap. 9.<br />

431 Livre II, chap. 2.<br />

432 C’est à tort qu’on dirait que si la route n’existait pas, les frais de transport ne seraient pas si énormes qu’on<br />

le prétend ici, parce que la plupart de ces transports n’auraient pas lieu, et qu’on se passerait de la chose<br />

transportée. Ce n’est pas être riche que de se passer des choses parce qu’on n’en peut pas faire la dépense.<br />

Chaque consommateur est infiniment pauvre relativement à un produit qui revient trop cher pour pouvoir être<br />

consommé ; et sa richesse croit, par rapport à ce produit, à mesure que la valeur du produit diminue.<br />

433 A défaut de canaux, il est probable qu’avec le temps on établira des chemins de fer pour communiquer<br />

d’une ville à l’autre. Quelque dispendieux qu’en fût le premier établissement, il est probable que l’économie qui<br />

en résulterait dans le transport paierait au-delà de l’intérêt des premières avances. Les chemins de fer,<br />

indépendamment de la facilité qu’ils offrent au roulage, ont l’avantage de ne point cahoter les voyageurs et les<br />

marchandises. Ces vastes entreprises se font dans les pays où de grands capitaux permettent de se livrer à des<br />

avances considérables, et où l’administration inspire assez de confiance pour que les entrepreneurs ne redoutent<br />

pas d’en perdre le fruit. Les progrès qui auront lieu dans l’art de traiter le fer, en diminuant les frais de<br />

production de ce métal, favoriseront l’établissement de chemins de fer et de beaucoup d’autres entreprises.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!