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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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sont dévoués pour sa défense. Quelque abondants que fussent les secours donnés aux<br />

sourds-muets et aux aveugles-nés, on ne peut supposer qu’ils se multiplient à cause des<br />

secours. Ils se trouvent sans doute plus nombreux en raison des soins qu’on leur donne et<br />

parce qu’il s’en conserve davantage ; mais leur nombre est nécessairement borné, et ils<br />

n’ont pas à se reprocher leurs malheurs. Les travaux dont on peut les rendre capables dans<br />

les établissements communs, font que, dans ces établissements, ils sont moins à charge à la<br />

ociété que s’ils se trouvaient répandus dans ses rangs.<br />

Les secours accordés aux frais du public aux militaires invalides, n’augmentent pas non<br />

plus le nombre des secourus ; et d’ailleurs ces secours ne sont autre chose qu’une dette<br />

qu’on acquitte. Mais on peut examiner si, au lieu de ces fastueux hôpitaux élevés par la<br />

vanité plus encore que par la reconnaissance, il n’y aurait pas des moyens de répandre, sans<br />

plus de frais, des consolations plus efficaces 427 .<br />

En admettant même que dans la rigueur du droit, la société, comme corps <strong>politique</strong>, ne<br />

soit pas tenue de donner des secours aux infortunés qui le sont devenus par leur propre faute<br />

ou par les infirmités auxquelles la nature seule les a condamnés, l’humanité ne saurait<br />

perdre ses droits ; le seul spectacle de la souffrance est une douleur dont une nation civilisée<br />

cherche toujours à s’affranchir ; sa sûreté veut même qu’elle se mette à l’abri du danger<br />

auquel certaines maladies l’exposent, telles que l’aliénation mentale, les maladies<br />

contagieuses, etc. Aussi, indépendamment des secours nombreux donnés en tout pays par la<br />

bienfesance des particuliers, une sorte de bienfesance publique, et peut-être d’orgueil<br />

national, impose la loi de secourir certaines infortunes. Il faut craindre seulement que les<br />

hommes s’exposent d’autant plus aisément à être secourus que les secours sont plus à leur<br />

portée. En dépouillant leurs imprudences d’une partie des maux qui en sont la suite, on<br />

diminue en eux cette terreur salutaire qui contribue tant à les en préserver. Nous nous<br />

blesserions bien plus fréquemment, sans la douleur qui suit chaque blessure. Un judicieux<br />

publiciste a fait observer que de trop nombreux établissements ouverts en Angleterre aux<br />

femmes en couche, aux filles repentantes, étant propres à diminuer les inconvénients qui<br />

428<br />

accompagnent les désordres des femmes, font naître plus de maux qu’ils n’en soulagent .<br />

Le même inconvénient ne se rencontre pas dans le maisons où l’on offre du travail aux<br />

indigens qui en demandent volontairement, et celles où l’on enferme les vagabonds qui ne<br />

peuvent justifier d’aucun moyen d’existence. Ces maisons, qui ne sont pas de nature à<br />

multiplier le nombre des infortunés, offrent des soulagements précieux dans une société<br />

nombreuse, où, au milieu d’une multitude d’occupations, il est impossible qu’il n’y en ait<br />

pas quelques-unes en souffrance. Un commerce qui change de cours, des procédés<br />

nouvellement introduits, des capitaux retirés des emplois productifs, des incendies et<br />

d’autres fléaux, peuvent laisser quelquefois sans ouvrage beaucoup d’ouvriers ; souvent,<br />

avec la meilleure conduite, un homme laborieux peut tomber au dernier degré du besoin. Il<br />

trouve dans une maison de travail, les moyens de gagner sasubsistance, si ce n’est<br />

précisément dans la profession qu’il a apprise, au moins dans quelque autre travail<br />

analogue.<br />

Nous avons vu, au chapitre ier de ce chapitre, que l’administration des établissements de<br />

bienfesance peut avec avantage être confiée à des personnes qui ont du loisir et de l’aisance,<br />

427 L’abbé de Saint-Pierre, qui n’était demeuré étranger à aucune vue de bien public, avait calculé que<br />

l’entretien de chaque vétéran, dans le lourd et triste hôpital des Invalides à Paris, coûtait à l’État trois fois ce<br />

qu’il en aurait coûté pour l’entretenir dans son village. Voyez ses Annales <strong>politique</strong>s, année 1671.<br />

428 « Ces institutions, dit Charles Comte, rendent incertaines les peines répressives sans presque rien leur<br />

enlever de leur réalité. Elles agissent de la même manière que les loteries : elles donnent des espérances à tous<br />

ceux qui veulent courir quelque risque ; mais pour un individu qu’elles favorisent, elles causent la ruine d’une<br />

multitude. » Traité de Législation, livre II, chap. 11.

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