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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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établi, et que cet ordre social lui-même ne leur offrait, en même temps, aucune ressource<br />

pour échapper à leurs maux. Si leurs maux ne résultentque de l’infirmité de notre nature, on<br />

ne voit pas aisément comment les institutions sociales seraient tenues de les réparer. On le<br />

voit encore moins, quand ces maux sont le fruit de leur imprudence et de leurs erreurs, et<br />

quand ces erreurs mêmes ont été préjudiciables à la société. Ainsi l’homme qui, par son<br />

incurie et sa paresse, est tombé dans la misère, après avoir épuisé ses capitaux, est-il fondé à<br />

réclamer des secours, lorsque ses fautes mêmes privent de leurs ressources les hommes dont<br />

ses capitaux alimentaient l’industrie <br />

Cette question au surplus, n’est pas de mon sujet. Je ne dois examiner ici que les intérêts<br />

du corps social et non les sentiments de compassion qui peuvent s’y joindre, et que je suis<br />

loin de condamner. Sous le rapport économique, le devoir du publiciste consiste à comparer<br />

les sacrifices que les établissements de bienfesance coûtent à la société, avec les avantages<br />

que la société en retire.<br />

On peut en général regarder les établissements de bienfesance comme des espèces de<br />

caisses de prévoyance, où le contribuable apporte une légère portion de son revenu, pour<br />

acquérir le droit d’y avoir recours au besoin. L’homme riche ne suppose guère qu’il soit<br />

jamais dans la nécessité d’en faire usage. Il devrait se défier un peu plus du sort. Les faveurs<br />

de la fortune ne sont pas une seule et même chose avec notre personne comme sont nos<br />

infirmités et nos besoins : notre fortune peut s’évanouir, nos infirmités et nos besoins<br />

restent. Il suffit de savoir que ces choses ne sont pas inséparables, pour qu’on doive craindre<br />

de les voir séparées. Et, si vous appelez l’expérience au secours du raisonnement, n’avevous<br />

jamais rencontré des infortunés qui ne s’attendaient pas à le devenir <br />

Il serait doux de penser que la société peut soulager toutes les infortunes non méritées. Il<br />

n’est malheureusement pas permis de le croire. Il y a des maux qui se multiplient avec le<br />

soulagement qu’on leur apporte. Nous avons vu, en observant les phénomènes que présente<br />

la population, qu’elle tend toujours à s’accroîtr au-delà des moyes d’existence qui lui sont<br />

offerts ; cet effet a lieu dans tous les états d’avancement de la société. Dès lors, quelque<br />

considérables que soient les secours qu’on accorde à la classe indigente, une partie de cette<br />

classe doit toujours se trouver aux prises avec le besoin, surtout dans certains moments<br />

critiques. L’Angleterre a subi les fâcheuses conséquences de ses lois sur les auvres ; elle a<br />

vu le nombre des gens ayant besoin de secours, s’accroître à mesre qu’on augmentait les<br />

secours qu’on leur accordait 426 .<br />

Les hôpitaux pour les malades, les hospices pour les vieillards et les enfants, déchargeant<br />

la classe indigente de l’entretien d’une partie de ses membres, lui permettent de se<br />

multiplier un peu plus et de se contenter de salaires un peu plus bas qu’elle ne ferait sans<br />

cette circonstance. Cette classe en masse, recevant de moins forts salaires en conséquence<br />

des secours qu’on lui offre, ne gagne rien aux établissements de bienfesance ; ils coûtent<br />

quelque chose aux familles les moins malaisées et profitent seulement aux plus indigentes.<br />

Quant aux entrepreneurs d’industrie et peut-être aux consommateurs, s’ils obtiennent des<br />

produits à un peu meilleur compte, ils contribuent d’un autre côté, à fournir les secours qui<br />

occasionnent cette légère économie qu’ils font sur les salaires. Il paraît qu’en Angleterre le<br />

contingent fourni par les entrepreneurs, et surtout par les fermiers, pour la taxe des pauvres,<br />

excède l’économie qu’ils trouvent dans le prix des salaires.<br />

Les secours qui paraissent le mieux placés, sont ceux qui ne peuvent pas multiplier le<br />

nombre des personnes secourues, et surtout ceux que la société donne aux hommes qui se<br />

426 C’est bien injustement que les antagonistes de Malthus lui ont fait un crime de la remarque qu’il en a faite.<br />

Il n’était pas en son pouvoir de changer la nature des choses ; c’est au contraire en la faisant bien connaître qu’on<br />

rend praticables les seuls remèdes qu’elle comporte.

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