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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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Dans les pays où l’on a le bonheur d’avoir un gouvernement représentatif, chaque<br />

citoyen est bien plus encore dans l’obligation de s’instruire des principes de l’économie<br />

<strong>politique</strong>, puisque là tout homme est appelé à délibérer sur les affaires de l’état.<br />

Enfin, en supposant que tous ceux qui prennent part au gouvernement, dans tous les<br />

grades, pussent être habiles sans que la nation le fût, ce qui est tout-à-fait improbable, quelle<br />

résistance n’éprouverait pas l’accomplissement de leurs meilleurs desseins Quels<br />

obstacles ne rencontreraient-ils pas dans les préjugés de ceux mêmes que favoriseraient le<br />

plus leurs opérations <br />

Pour qu’une nation jouisse des avantages d’un bon système économique, il ne suffit pas<br />

que ses chefs soient capables d’adopter les meilleurs plans, il faut de plus que la nation soit<br />

en état de les recevoir 38 .<br />

On voit que dans toutes les suppositions le bien public exige que les particuliers<br />

connaissent les principes de l’économie <strong>politique</strong> aussi bien que les hommes d’état. Il leur<br />

convient de s’en instruire comme intéressés pour leur part au bien public ; cela leur convient<br />

encore s’ils veulent s’éclairer sur leurs intérêts privés. De justes notions sur la nature et la<br />

marche des valeurs leur donnent de grands avantages pour juger sainement les entreprises<br />

où ils sont intéressés, soit comme partie principale, soit comme actionnaires ; pour prévoir<br />

les besoins de ces entreprises et quels seront leurs produits ; pour imaginer les moyens de<br />

les faire prospérer, et y faire valoir leurs droits ; pour choisir les placements les plus solides,<br />

prévoir l’issue des emprunts et des autres actes de l’administration ; pour améliorer leurs<br />

terres à propos, balancer avec connaissance de cause les avances certaines avec les produits<br />

présumés ; pour connaître les besoins généraux de la société, et faire choix d’un état ; pour<br />

discerner les symptômes de prospérité ou de déclin du corps social, etc., etc.<br />

L’opinion que l’étude de l’économie <strong>politique</strong> ne convient qu’aux hommes d’état, toute<br />

fausse qu’elle est, a été cause que presque tous les auteurs, jusqu’à Smith, se sont imaginé<br />

que leur principale vocation était de donner des conseils à l’autorité ; et comme ils étaient<br />

loin d’être d’accord entre eux, que les faits, leur liaison et leurs conséquences, étaient fort<br />

imparfaitement connus par eux, et tout-à-fait méconnus du vulgaire, on a dû les regarder<br />

comme des rêveurs de bien public ; de là le dédain que les gens en place affectaient pour<br />

tout ce qui ressemblait à un principe.<br />

Mais depuis que l’économie <strong>politique</strong> est devenue la simple exposition des lois qui<br />

président à l’économie des sociétés, les véritables hommes d’état ont compris que son étude<br />

ne pouvait leur être indifférente. On a été obligé de consulter cette science pour prévoir les<br />

suites d’une opération, comme on consulte les lois de la dynamique et de l’hydraulique,<br />

lorsqu’on veut construire avec succès un pont ou une écluse. Quand l’administration adopte<br />

de fausses mesures, elle est nécessairement versatile : il faut bien changer de route<br />

lorsqu’on rencontre des difficultés insurmontables qu’on n’a pas su prévoir.<br />

C’est peut-être à cette cause qu’il faut attribuer les inconséquences qui ont travaillé la<br />

France depuis deux siècles ; c’est-à-dire depuis qu’elle s’est vue à portée d’atteindre le haut<br />

38 Je suppose ici qu’il y a un véritable amour du bien public dans les grands. Lorsque ce sentiment n’existe pas,<br />

lorsque le gouvernement est pervers et de mauvaise foi, il est bien plus utile encore que la nation connaisse la<br />

vraie nature des choses et entende ses véritables intérêts ; autrement elle souffre sans savoir à quelles causes elle<br />

doit attribuer ses souffrances ; ou bien, les attribuant à des causes qui ne sont pas les véritables, les vues du<br />

public sont divergentes, les efforts sont isolés, chacun en particulier manque de fermeté, parce qu’il ne se sent<br />

pas soutenu, et le despotisme en profite ; ou bien encore, si la nation, trop mal gouvernée, se fâche, elle écoute<br />

des conseils pernicieux, et échange un mauvais système d’administration contre un pire.

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