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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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On atteint ce but par des écoles où l’on enseigne gratuitement à lire, à écrire et à<br />

compter. Ces connaissances sont le fondement de toutes les autres, et suffisent pour civiliser<br />

le manouvrier le plus simple. À vrai dire, une nation n’est pas civilisée, et ne joui pas par<br />

conséquent des avantages attachés à la civilisation, quand tout le monde n’y sait pas lire,<br />

écrire et compter. Sans cela elle n’est pas encore complétement tirée de l’état de barbarie.<br />

J’ajouterai qu’avec ces connaissances, nulle grande disposition, nul talent extraordinaire, et<br />

dont le développement serait hautement profitable à une nation, ne peut rester enfoui. La<br />

seule faculté de lire, met, à peu de frais, le moindre citoyen en rapport avec ce que le monde<br />

a produit de plus éminent dans le genre vers lequel il se sent appelé par son génie. Les<br />

femmes ne doivent pas demeurer étrangères à cette instruction élémentaire, parce qu’on<br />

n’est pas moins intéressé à leur civilisation, et qu’elles sont les premières, et trop souvent<br />

les seules institutrices de leurs enfants.<br />

Les gouvernements seraient d’autant plus inexcusables de négliger l’instruction<br />

élémentaire et de laisser croupir, dans un état voisin de la barbarie, la majeure partie de nos<br />

nations soi-disant civilisées de l’Europe, qu’ils peuvent, au moyen d’un procédé maintenant<br />

éprouvé, celui de l’enseignement mutuel, répandre cette instruction parmi la presque totalité<br />

de la classe indigente 423 .<br />

Ce sont donc les connaissances élémentaires et les connaissances relevées qui, moins<br />

favorisées que les autres par la nature des choses, et par la concurrence des besoins, doivent<br />

avoir recours à l’appui de l’autorité publique lorsqu’elle veut servir les intérêts du corps<br />

social. Ce n’est pas que les particuliers ne soient intéressés au maintien et aux progrès de<br />

ces connaissances comme des autres ; mais ils n’y sont pas aussi directement intéressés ; le<br />

déclin qu’elles éprouvent ne les expose pas à une perte immédiate ; et un grand empire<br />

pourrait rétrograder jusqu’aux confins de la barbarie et du dénuement, avant que les<br />

particuliers se fussent aperçus de la cause qui les y pousse.<br />

Je ne prétends pas, au reste, blâmer les établissements d’instruction qui, payés par le<br />

public, embrassent des parties d’enseignement autres que celles que j’ai désignées ; j’ai<br />

seulement voulu montrer quel est l’enseignement que l’intérêt bien entendu d’une nation lui<br />

conseille de payer. Du reste, toute instruction fondée sur des faits constatés, toute<br />

instruction où l’on n’enseigne point des opinions comme des vérités, toute instruction qui<br />

orne l’esprit et forme le goût, étant bonne en elle-même, tout établissement qui la propage<br />

est bon aussi. Il faut seulement éviter, lorsqu’il encourage d’un côté, qu’il ne décourage de<br />

l’autre. C’est l’inconvénient qui suit presque toutes les primes données par l’autorité : un<br />

maître, une institution priée, ne recevront pas un salaire convenable dans un pays où l’on<br />

423<br />

L’enseignement mutuel, d’abord mis en pratique par Lancastre et perfectionné par d’autres, est<br />

économique : 1° en ce qu’au lieu d’appliquer immédiatement à chaque élève le ministère du maître, qui est<br />

nécessairement dispendieux et insuffisant pour cette tâche, il emploie le léger excédent de savoir qu’un élève a<br />

sur un autre, au profit du moins instruit ; 2° parce qu’il répand simultanément l’instruction dans toutes les petites<br />

sections dont l’école est composée. Il en résulte une plus grande masse d’instruction répandue, en moins de<br />

temps, avec les mêmes frais.<br />

Dans les écoles simultanées, le maître ne peut surveiller qu’un petit nombre d’écoliers, et il est même difficile<br />

qu’aucun d’entre eux n’échappe à sa surveillance ; on ne parvient à y fixer l’attention des élèves que par des<br />

menaces et des punitions qui dégradent leur âme ; le talent qui leur attire le plus d’avantages est celui de plaire à<br />

leur pédagogue ; leurs efforts tendent moins à être véritablement sages, qu’à le paraître ; de là des habitudes<br />

d’hypocrisie et de bassesse. Dans les écoles d’enseignement mutuel, il est impossible à l’élève paresseux et<br />

incapable d’obtenir un avancement de faveur : comment s’y prendrait-il pour montrer aux autres ce qu’il ne sait<br />

pas lui-même Il est de même impossible que le plus laborieux et le plus instruit ne devienne pas le premier<br />

entre ses camarades. Les élèves s’y forment à l’utile vertu de se rendre justice à eux-mêmes, de la rendre aux<br />

autres, et de ne compter que sur leur mérite pour parvenir. Ce sont, par leur constitution même, des écoles de<br />

morale pratique, autant que des connaissances les plus usuelles.

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