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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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Un encouragement qui n’a aucun danger et dont l’influence est bien puissante, est celui<br />

qu’on donne à la composition des bons ouvrages élémentaires 422 . L’honneur et le profit que<br />

procure un bon ouvrage de ce genre, ne paient pas le travail, les connaissances et les talents<br />

qu’il suppose ; c’est une duperie de servir le public par ce moyen, parce que la récompense<br />

naturelle qu’on en reçoit, n’est pas proportionnée au bien que le public en retire. Le besoin<br />

qu’on a de bons livres élémentaires ne sera donc jamais complétement satisfait, qu’autant<br />

qu’on fera, pour les avoir, des sacrifices extraordinaires, capables de tenter des hommes du<br />

premier mérite. Il ne faut charger personne spécialement d’un pareil travail : l’homme du<br />

plus grand talent peut n’avoir pas celui qui serait propre à cela. Il ne faut pas proposer des<br />

prix : ils sont accordés quelquefois à des productions imparfaites, parce qu’il ne s’en est<br />

point présenté de meilleures ; d’ailleurs l’encouragement du prix cesse dès qu’il est accordé.<br />

Mais il faut payer proportionnellement au mérite, et toujours généreusement, tout ce qui se<br />

fait de bon. Une bonne production n’en exclut pas alors une meilleure ; et avec le temps on<br />

a, dans chaque genre, ce qu’on peut avoir de mieux. Je remarquerai qu’on ne risque jamais<br />

beaucoup en mettant un grand prix aux bonnes productions : elles sont toujours rares ; et ce<br />

qui est une récompense magnifique pour un particulier, est un léger sacrifice pour une<br />

nation.<br />

Tels sont les genres d’instruction favorables à la richesse nationale, et ceux qui<br />

pourraient déchoir si la société ne contribuait pas à leur entretien. Il y en a d’autres qui sont<br />

nécessaires à l’adoucissement des mœurs, et qui peuvent encore moins se soutenir sans son<br />

appui.<br />

À une époque où les arts sont perfectionnés, et où la séparation des occupations est<br />

introduite jusque dans leurs moindres embranchements, la plupart des ouvriers sont forcés<br />

de réduire toutes leurs actions et toutes leurs pensées à une ou deux opérations,<br />

ordinairement très simple et constamment répétées ; nulle circonstance nouvelle, imprévue,<br />

ne s’offre jamais à eux ; n’étant dans aucun cas appelés à faire usage de leurs facultés<br />

intellectuelles, elles s’énervent, s’abrutissent, et ils deviendraien bientôt eux-mêmes non<br />

seulement incapables de dire deux mots qui eussent le sens commun sur toute autre chose<br />

que leur outil, mais encore de concevoir ni même de comprendre aucun dessein généreux,<br />

aucun sentiment noble. Les idées élevées tiennent à la vue de l’ensemble ; elles ne germent<br />

point dans un esprit incapable de saisir des rapports généraux : un ouvrier stupide ne<br />

comprendra jamais comment le respect de la propriété est favorable à la prospérité<br />

publique, ni pourquoi lui-même est plus intéressé à cette prospérité que l’homme riche ; il<br />

regardera tous les grands biens comme une usurpation. Un certain degré d’instruction, un<br />

peu de lecture, quelques conversations avec d’autres personnes de son état, quelques<br />

réflexions pendant son travail, suffiraient pour l’élever à cet ordre d’idées, et mettraient<br />

même plus de délicatesse dans ses relations de père, d’époux, de frère, de citoyen.<br />

Mais la position du simple manouvrier dans la machine productive de la société, réduit<br />

ses profits presqu’au niveau de ce qu’exige sa subsistance. À peine peut-il élever ses<br />

enfants, et leur apprendre un métier ; comment leur donnerait-il ce degré d’instruction que<br />

nous supposons nécessaire au bien-être de l’ordre social Si la société veut jouir de<br />

l’avantage attaché à ce degré d’instruction dans cette classe, elle doit donc le donner à ses<br />

frais.<br />

422 Sous cette dénomination, je comprends les fondements de toutes les connaissances, jusqu’aux instructions<br />

familières et détachées pour chaque profession ; des ouvrages où un chapelier, un fondeur, un potier, un<br />

teinturier, ou tout autre artisan, puissent, pour quelques sous, connaître les principes fondamentaux de leur art.<br />

Ce serait une communication perpétuellement ouverte entre le savant et l’artisan, où celui-ci s’éclairerait des<br />

connaissances théoriques du premier, et le premier des connaissances pratiques du second.

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