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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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conquête de l’Italie, de la Hongrie et de l’Autriche, repoussa les sarrasins et dispersa les<br />

saxons ; il obtint le titre superbe d’empereur, et néanmoins il a mérité que Montesquieu fît<br />

de lui cet éloge : « Un père de famille pourrait apprendre dans les lois de Charlemagne à<br />

gouverner sa maison. Il mit une règle admirable dans sa dépense, et fit valoir ses domaines<br />

avec sagesse, avec attention, avec économie. On voit dans ses capitulaires la source pure et<br />

sacrée d’où il tira ses richesses. Je ne dirai qu’un mot : il ordonnait qu’on vendît les œufs<br />

des basses-cours de ses domaines et les herbes inutiles de ses jardins 406 . »<br />

Le prince Eugène de Savoie, qu’on aurait tort de ne considérer que comme un grand<br />

homme de guerre, et qui montra la plus haute capacité dans les administrations comme dans<br />

les négociations dont il fut chargé, conseillait à l’empereur Charles VI de suivre les avis des<br />

407<br />

négociants dans l’administration de ses finances .<br />

Le grand-duc de Toscane Léopold a montré, vers la fin du dix-huitième siècle, ce que<br />

peut un prince, même dans un état borné, lorsqu’il introduit dans l’administration la sévère<br />

économie des particuliers. Il avait en peu d’années rendu la Toscane un des pays les plus<br />

florissants de l’Europe.<br />

Les ministres qui ont gouverné les finances de France avec le plus de succès, Suger, abbé<br />

de Saint-Denis, le cardinal D’Ambroise, Sully, Colbert, Necker, ont tous été guidés par le<br />

même principe. Tous ont trouvé, dans l’économie exacte d’un simple particulier, les<br />

moyens de soutenir de grandes résolutions. L’abbé de Saint-Denis subvint aux frais de la<br />

seconde croisade (entreprise que je suis loin d’approuver, mais qui exigeait de puissantes<br />

ressources) ; D’Ambroise prépara la conquête du milanais par Louis Xii ; Sully,<br />

l’abaissement de la maison d’Autriche ; Colbert, les succès brillants de Louis XIV ; Necker<br />

a fourni les moyens de soutenir la seule guerre heureuse que la France ait faite dans le dixhuitième<br />

siècle 408 .<br />

Nous avons toujours vu au contraire les gouvernements qui se sont laissé dominer par les<br />

besoins d’argent, obligés, comme les particuliers, de recourir, pour se tirer d’affaire, à des<br />

expédients ruineux, honteux quelquefois ; comme Charles le chauve, qui ne maintenait<br />

personne dans les honneurs, et n’accordait de sûreté à personne que pour de l’argent ;<br />

comme le roi d’Angleterre Charles Ii, qui vendit Dunkerque au roi de France, et qui reçut de<br />

la Hollande deux millions et un quart, pour différer le départ de la flotte équipée en<br />

Angleterre en 1680, dont la destination état d’aller aux Indes défendre les anglais qui y<br />

409<br />

étaient écrasés par les Bataves ; comme tous les gouvernements enfin qui ont fait<br />

banqueroute, soit en altérant les monnaies, soit en violant leurs engagements.<br />

Louis XIV, vers la fin de son règne, après avoir épuisé jusqu’au bout les ressources de<br />

son beau royaume, créa et vendit des charges plus ridicules les unes que les autres. On fit<br />

des conseillers du roi contrôleurs aux empilements de bois, des charges de barbiersperruquiers,<br />

des contrôleurs-visiteurs de beurre frais, des essayeurs de beurre salé, etc. Mais<br />

tous ces expédients, aussi misérables dans leurs produits que nuisibles dans leurs effets,<br />

n’ont retardé que de peu d’instants les catastrophes qui assaillent infailliblement les<br />

406 Esprit des Lois, livre XXXI, chap. 18.<br />

407 Voyez ses Mémoires, pages 187. On les lui a contestés, comme on a contesté au cardinal de Richelieu son<br />

Testament Politique. Si ces hommes n’avaient pas fait ces écrits, qui aurait pu les faire Des hommes aussi<br />

capables qu’eux ; supposition encore plus invraisemblable.<br />

408 Necker subvint aux dépenses de la guerre d’Amérique sans mettre de nouveaux impôts ; ses ennemis lui<br />

reprochèrent les emprunts qu’il fit ; mais qui ne voit que, du moment qu’il n’établit pas d’impôts pour payer les<br />

intérêts de ces emprunts, ils ne furent point une nouvelle charge pour le peuple, et que les intérêts en durent être<br />

payés sur des économies <br />

409 Voyez l’Histoire des Établissements des Européens dans les Indes, par Raynal, tome II, page 36.

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