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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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Les saines idées d’économie <strong>politique</strong> étaient encore tellement étrangères aux meilleures<br />

têtes, même dans le dix-huitième siècle, que le roi de Prusse, Frédéric Ii, homme si avide de<br />

la vérité, si capable de la sentir, si digne de la protèger, écrivait à D’Alembert pour justifier<br />

ses guerres : « Mes nombreuses armées font circuler les espèces, et répandent dans les<br />

provinces, avec une distribution égale, les subsides que les peuples fournissent au<br />

gouvernement. » Non, encore une fois, les subsides fournis au gouvernement par les<br />

provinces, n’y retournent pas. Soit que les subsides soient payés en argent ou en nature, ils<br />

sont changés en munitions de guerre ou de bouche, et, sous cette forme, consommés,<br />

détruits par des gens qui ne les remplacent pas, parce qu’ils ne produisent aucune valeur 402 .<br />

Il fut heureux pour la Prusse que les actions de Frédéric Ii ne fussent pas conséquentes avec<br />

ses principes. Il fit plus de bien à son pays par l’économie de son administration, qu’il ne lui<br />

fit de mal par ses guerres.<br />

Si les consommations faites par les nations, ou par leurs gouvernements, qui les<br />

403<br />

représentent bien ou mal , occasionnent une perte de valeurs et par conséquent de<br />

richesses, elles ne sont justifiables qu’autant qu’il en résulte pour la nation un avantage égal<br />

aux sacrifices qu’elles lui coûtent. Toute l’habileté de l’administration consiste donc à<br />

comparer perpétuellement et judicieusement l’étendue des sacrifices imposés, avec<br />

l’avantage qui doit en revenir à l’état ; et tout sacrifice disproportionné avec cet avantage, je<br />

n’hésite pas à le dire, est une sottise ou un crime de l’administration.<br />

Que serait-ce donc si les folles dépenses des mauvais gouvernements ne se bornaient pas<br />

404<br />

à dissiper la substance des peuples , et si plusieurs de leurs consommations, loin de<br />

procurer un dédommagement équivalent, préparaient au contraire des infortunes sans<br />

nombre ; si les entreprises les plus extravagantes et les plus coupables étaient la suite des<br />

exactions les plus criminelles, et si les nations payaient presque toujours de leur sang<br />

l’avantage de fournir de l’argent de leur bourse <br />

d’un seul homme. L’argent n’a servi là-dedans que comme denrée auxiliaire propre à faciliter l’échange des<br />

produits des contribuables contre des matériaux, etc. ; et le résultat de cette prétendue circulation a été la<br />

destruction d’une valeur de 900 millions, en compensation de laquelle on a un palais à réparer sans cesse, et des<br />

jardins pour se promener.<br />

Les terres mêmes, quoique moins fugitives que l’argent, se consomment, ou du moins leur valeur. J’ai entendu<br />

dire que la France, après la Révolution, n’avait rien perdu par la vente de ses biens nationaux, parce qu’ils<br />

avaient passé tout entre les mains des Français ; mais les capitaux payés à l’État pour le prix de cette acquisition<br />

sont sortis des mains des acquéreurs : où sont-ils maintenant Ils sont consommés, ils sont perdus.<br />

402 Pour l’approvisionnement d’une armée, deux valeurs entrent dans les mains du gouvernement ou de ses<br />

agents : 1° la valeur des subsides payés par les sujets ; 2° la valeur des approvisionnements procurés par les<br />

fournisseurs. Ceux qui fournissent la première de ces valeurs (les contribuables) ne reçoivent point de<br />

compensation ; ceux qui fournissent la seconde (les fournisseurs) reçoivent une contre-valeur, qui est leur<br />

paiement ; mais cette contre-valeur ne suffit pas pour que les écrivains soient autorisés à dire que le<br />

gouvernement rend d’une main ce qu’il reçoit de l’autre ; qu’il n’y a dans tout cela qu’une circulation, et que la<br />

nation n’a rien perdu. Ce que le gouvernement a reçu est égal à deux ; ce qu’il a restitué est égal seulement à un.<br />

La perte de la seconde unité tombe sur le contribuable ; et comme les fortunes réunies de tous les contribuables<br />

forment la fortune de la nation, la fortune nationale est diminuée de tout le montant des consommations faites par<br />

le gouvernement, moins ce que le gouvernement a reproduit par les établissements publics, ainsi que nous le<br />

verrons au chapitre suivant.<br />

403 J’appelle gouvernement l’ensemble des pouvoirs qui régissent une nation, sous quelque forme que ce soit.<br />

C’est à tort, ce me semble, que quelques publicistes n’appliquent ce nom qu’aux chefs du pouvoir exécutif. On<br />

gouverne en donnant des lois et en les faisant exécuter ; et ce qu’on appelle pouvoir exécutif, administration,<br />

impose en tout pays beaucoup de règles obligatoires qu’on ne saurait distinguer des lois proprement dites.<br />

404 On a vu, livre Il, chap. II, que la population se proportionnant toujours à la production, si l’on empêche les<br />

produits annuels de se multiplier, on empêche les hommes de naître, et qu’on les massacre en gaspillant des<br />

capitaux, en étouffant l’industrie, en épuisant les sources de la production. Sous un mauvais gouvernement, cette<br />

cause fait périr beaucoup plus de monde que les guerres, quelque meurtrières qu’on les suppose.

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