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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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Il est fâcheux que les mœurs, que les habitudes funestes du pays auquel on est attaché<br />

par la naissance, par la fortune, par les affections, soumettent à leur influence jusqu’aux<br />

personnes les plus sages, les mieux en état d’en apprécier le danger et d’en prévoir les<br />

tristes conséquences. Il n’y a qu’un bien petit nombre d’hommes d’un esprit assez ferme et<br />

d’une fortune assez indépendante, pour pouvoir n’agir que d’après leurs principes, et<br />

n’avoir de modèles qu’eux-mêmes. La plupart suivent, malgré eux, la foule insensée qui,<br />

faute de réflexion, ne s’aperçoit pas qu’une fois que les besoins ordinaires de la vie sont<br />

satisfaits, le bonheur ne se rencontre pas dans les vaines jouissances du luxe, mais dans<br />

l’exercice modéré de nos facultés physiques et morales.<br />

Les personnes qui, par un grand pouvoir ou de grands talents, cherchent à répandre le<br />

goût du luxe, conspirent donc contre le bonheur des nations. Si quelque habitude mérite<br />

d’être encouragée dans les monarchies comme dans les républiques, dans les grands états<br />

comme dans les petits, c’est uniquement l’économie. Mais a-t-elle besoin<br />

d’encouragement Ne suffit-il pas de n’en pas accorder à la dissipation en l’honorant Ne<br />

suffit-il pas de respecter inviolablement toutes les épargnes de leurs emplois, c’est-à-dire,<br />

l’entier développement de toute industrie qui n’est pas criminelle Quand on ne déprave<br />

pas les nations par de mauvais exemples et de mauvaises institutions, et quand on permet<br />

qu’elles s’éclairent sur leurs vrais intérêts, elles se conduisent bien. Les extravagances sont<br />

individuelles.<br />

En excitant les hommes à dépenser, dit-on, on les excite à produire : il faut bien qu’ils<br />

gagnent de quoi soutenir leurs dépenses. Pour raisonner ainsi, il faut commencer par<br />

supposer qu’il dépend des hommes de produire comme de consommer, et qu’il est aussi<br />

facile d’augmenter ses revenus que de les manger. Mais quand cela serait, quand il serait<br />

vrai de plus que le besoin de la dépense donnât l’amour du travail (ce qui n’est guère<br />

conforme à l’expérience), on ne pourrait encore augmenter la production qu’au moyen<br />

d’une augmentation de capitaux, qui sont un des éléments nécessaires de la production ; or,<br />

les capitaux ne peuvent s’accroître que par l’épargne ; et quelle épargne peut-on attendre de<br />

ceux qui ne sont excités à produire que par l’envie de jouir <br />

D’ailleurs, quand l’amour du faste inspire le désir de gagner, les ressources lentes et<br />

bornées de la production véritable suffisent-elles à l’avidité de ses besoins Ne compte-t-il<br />

pas plutôt sur les profits rapides et honteux de l’intrigue, industrie ruineuse pour les nations,<br />

en ce qu’elle ne produit pas, mais seulement entre en partage des produits des autres Dès<br />

lors, le fripon développe toutes les ressources de son méprisable génie ; le chicaneur spécule<br />

sur l’obscurité des lois, l’homme en pouvoir vend à la sottise et à l’improbité, la protection<br />

qu’il doit gratuitement au mérite et au bon droit. « J’ai vu dans un souper, dit Pline, Paulina<br />

couverte d’un tissu de perles et d’émeraudes qui valait quarante millions de sesterces, ce<br />

qu’elle pouvait prouver, disait-elle, par ses registres : elle le devait aux rapines de ses<br />

ancêtres. C’était, ajoute l’auteur romain, pour que sa petite-fille parût dans un festin chargée<br />

de pierreries, que Lollius consentit à répandre la désolation dans plusieurs provinces, à être<br />

diffamé dans tout l’orient, à perdre l’amitié du fils d’Auguste, et finalement à mourir par le<br />

poison. »<br />

Telle est l’industrie qu’inspire le goût de la dépense.<br />

Que si l’on prétendait que le système qui encourage les prodigalités, ne favorisant que<br />

celles des riches, a du moins le bon effet de diminuer l’inégalité des fortunes, il me serait<br />

facile de prouver que la profusion des gens riches entraîne celle des classes mitoyennes et<br />

des classes pauvres ; et ce sont elles qui ont plus promptement atteint les bornes de leur<br />

revenu ; de telle sorte que la profusion générale augmente plutôt qu’elle ne réduit l’inégalité<br />

des fortunes. De plus, la prodigalité des riches est toujours précédée ou suivie de celle des

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