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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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Mais les progrès de l’économie <strong>politique</strong>, en faisant connaître les véritables sources de la<br />

richesse, les moyens de la production, et les résultats de la consommation, feront tomber<br />

pour jamais ce prestige. La vanité pourra se glorifier de ses vaines dépenses elle sera le<br />

mépris du sage à cause de ses conséquences, comme elle l’était déjà par ses motifs.<br />

Ce que le raisonnement démontre est confirmé par l’expérience. La misère marche<br />

toujours à la suite du luxe. Un riche fastueux emploie en bijoux de prix, en repas<br />

somptueux, en hôtels magnifiques, en chiens, en chevaux, en maîtresses, des valeurs qui,<br />

placées productivement, auraient acheté des vêtements chauds, des mets nourrissants, des<br />

meubles commodes, à une foule de gens laborieux condamnés par lui à demeurer oisifs et<br />

misérables. Alors le riche a des boucles d’or, et le pauvre manque de souliers ; le riche est<br />

habillé de velours, et le pauvre n’a pas de chemise.<br />

Telle est la force des choses, que la magnificence a beau vouloir éloigner de ses regards<br />

la pauvreté, la pauvreté la suit opiniâtrement, comme pour lui reprocher ses excès. C’est ce<br />

qu’on observait à Versailles, à Rome, à Madrid, dans toutes les cours ; c’est ce dont la<br />

France a offert en dernier lieu un triste exemple, à la suite d’une administration dissipatrice<br />

et fastueuse, comme s’il avait fallu que des principes aussi incontestables dussent recevoir<br />

cette terrible confirmation 393 .<br />

Les gens qui ne sont pas habitués à voir les réalités au travers des apparences, sont<br />

quelquefois séduits Pr l’attirail et le fracas d’un luxe brillant. Ils croient à la prospérité dès<br />

l’instant où ils voient de la dépense. Qu’ils ne s’y trompent pas : un pays qui décline offre<br />

pendant quelque temps l’image de l’opulence ; ainsi fait la maison d’un dissipateur qui se<br />

ruine. Mais cet éclat factice n’est pas durable ; et comme il tarit les sources de la<br />

reproduction, il est infailliblement suivi d’un état de gêne, de marasme <strong>politique</strong>, dont on ne<br />

se guérit que par degrés et par des moyens contraires à ceux qui ont amené le<br />

dépérissement.<br />

Plus les sciences se répandent, plus les littérateurs sont obligés de s’instruire au moins de leurs principes<br />

généraux ; et plus leurs pensées se rapprochent de la vérité, plus elles brillent d’un éclat durable.<br />

La république a bien affaire<br />

De gens qui ne dépensent rien !<br />

Je ne sais d’homme nécessaire<br />

Que celui dont le luxe épand beaucoup de bien.<br />

LA FONTAINE, Avantage de la Science.<br />

« Si les riches ne dépensent pas beaucoup, les pauvres mourront de faim. » MONTESQUIEU, Esprit des Lois,<br />

livre VII, chap. 4.<br />

393 D’autres considérations encore concourent à expliquer l’atmosphère de misère qui environne les cours.<br />

C’est là que s’opère en grand la plus rapide des consommations, celle des services personnels, lesquels sont<br />

consommés aussitôt que produits. Sous cette dénomination, il faut comprendre le service des militaires, des<br />

domestiques, des fonctionnaires utiles ou inutiles, des commis, des gens de loi, des ecclésiastiques, gens de robe,<br />

acteurs, musiciens, bouffons de société, et de tout ce qui entoure Je centre d’un grand pouvoir administratif ou<br />

judiciaire, militaire ou religieux. Les produits matériels eux-mêmes y semblent plus voués qu’ailleurs à la<br />

destruction. Les mets fins, les étoffes magnifiques, les ouvrages de mode, viennent à l’envi s’y engloutir ; rien,<br />

ou presque rien, n’en sort.<br />

Encore, si les valeurs considérables qui, nées sur toute la surface industrieuse d’un vaste territoire, vont se<br />

consommer dans les cours, s’y répartissaient avec une sorte d’équité, elles pourraient suffire à l’aisance de tout<br />

ce qui les environne. De tels gouffres seraient toujours funestes, puisqu’ils absorbent les valeurs et n’en donnent<br />

point en retour ; néanmoins, dans le lieu même de la résidence, tout le monde pourrait être assez bien pourvu.<br />

Mais on sait que c’est là, moins que partout ailleurs, que les richesses se distribuent avec équité. Un prince, ou<br />

bien un favori, ou une maîtresse, ou un grand déprédateur, en retirent la principale part ; les fainéants subalternes<br />

n’en reçoivent que ce que la générosité ou le caprice des grands daigne leur abandonner.<br />

S’il y a eu des seigneurs qui ont entretenu l’abondance en résidant sur leurs terres, c’est en y faisant des<br />

dépenses productives plutôt que des dépenses fastueuses ; alors ils étaient de véritables entrepreneurs de culture,<br />

et accumulaient des capitaux en améliorations.

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