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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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peuvent pas se mieux justifier, et l’effet en est exactement le même ; c’est une<br />

consommation considérable, propre à satisfaire de grands besoins, et consacrée à de vaines<br />

jouissances. Mais je ne saurais nommer objet de luxe ce qu’un homme éclairé et sage,<br />

habitant un pays policé, désirerait pour sa table, s’il n’avait aucun convive, pour sa maison<br />

et son vêtement, s’il n’était forcé à aucune représentation. C’est un agrément, c’est une<br />

commodité bien entendue et convenable à sa fortune, mais ce n’est pas du luxe.<br />

L’idée du luxe ainsi déterminée, on peut dès à présent découvrir quels sont ses effets sur<br />

l’économie des nations.<br />

La consommation improductive embrasse la satisfaction de besoins très réels. Sous ce<br />

rapport, elle peut balancer le mal qui résulte toujours d’une destruction de valeurs ; mais qui<br />

balancera le mal d’une consommation qui n’a pour objet la satisfaction d’aucun besoin<br />

réel D’une dépense qui n’a pour objet que cette dépense même D’une destruction de<br />

valeur qui ne se propose d’autre but que cette destruction <br />

Elle procure, dites-vous, des bénéfices aux producteurs des objets consommés <br />

Mais la dépense qui ne se fait pas pour de vaines consommations, se fait toujours ; car<br />

l’argent qu’on refuse de répandre pour des objets de luxe, on ne le jette pas dans la rivière.<br />

Il s’emploie, soit à des consommations mieux entendues, soit à la reproduction. De toutes<br />

manières, à moins de l’enfouir, on consomme ou l’on fait consommer tout son revenu ; de<br />

toutes manières, l’encouragement donné aux producteurs par la consommation est égal à la<br />

somme des revenus. D’où il suit :<br />

1° Que l’encouragement donné à un genre de production par les dépenses fastueuses, est<br />

nécessairement ravi à un autre genre de production ;<br />

2° Que l’encouragement qui résulte de cette dépense, ne peut s’accroître que dans le cas<br />

seulement où le revenu des consommateurs s’augmente ; or, on sait qu’il ne s’augmente pas<br />

par des dépenses de luxe, mais par des dépenses reproductives.<br />

Dans quelle erreur ne sont donc pas tombés ceux qui, voyant en gros que la production<br />

égale toujours la consommation (car il faut bien que ce qui se consomme ait été produit),<br />

ont pris l’effet pour la cause, ont posé en principe que la seule consommation improductive<br />

provoquait la reproduction, que l’épargne était directement contraire à la prospérité<br />

publique, et que le plus utile citoyen était celui qui dépensait le plus !<br />

Les partisans de deux systèmes opposés, celui des économistes et celui du commerce<br />

exclusif ou de la balance du commerce, ont fait de cette maxime un article fondamental de<br />

leur foi. Les manufacturiers, les marchands, qui n’ont en vue que la vente actuelle de leurs<br />

produits, sans rechercher les causes qui leur en auraient fait vendre davantage, ont appuyé<br />

une maxime en apparence si conforme à leurs intérêts ; les poètes, toujours un peu séduits<br />

par les apparences, et ne se croyant pas obligés d’être plus savants que les hommes d’état,<br />

ont célébré le luxe sur tous les tons 392 , et les riches se sont empressés d’adopter un système<br />

qui représente leur ostentation comme une vertu, et leurs jouissances comme des bienfaits.<br />

392 Tous les sujets ne sont pas également favorables aux effets de la poésie ; mais les erreurs n’ont, à cet égard,<br />

aucun privilège. Les vers où Voltaire parle du système du monde et des découvertes de Newton sur la lumière<br />

sont d’une exactitude rigoureuse aux yeux des savants, et ne sont pas moins beaux que ceux de Lucrèce sur les<br />

rêveries d’Épicure. Plus avancé en économie <strong>politique</strong>, Voltaire n’eût pas dit :<br />

Sachez surtout que le luxe enrichit<br />

Un grand État, s’il en perd un petit.<br />

Cette splendeur, cette pompe mondaine,<br />

D’un règne heureux est la marque certaine.<br />

Le riche est né pour beaucoup dépenser…

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