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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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l’économie qui amasse des capitaux. C’est dans les pays où ces qualités se rencontrent, que<br />

chacun acquiert assez d’aisance pour mettre du choix dans ses consommations. La gêne, au<br />

contraire, suit toujours la prodigalité ; et lorsqu’on est commandé par le besoin, on ne<br />

choisit pas.<br />

Les jouissances de la table, des jeux, des feux d’artifice, sont au nombre des plus<br />

passagères. Je connais des villages qui manquent d’eau, et qui consomment dans un seul<br />

jour de fête ce qu’il faudrait d’argent pour amener de l’eau et pour élever une fontaine sur<br />

leur place publique. Leurs habitants aiment mieux s’enivrer en l’honneur de leur patron<br />

pendant un jour, et aller péniblement, tous les autres jours de l’année, puiser de l’eau<br />

bourbeuse au sommet d’un coteau du voisinage. C’est en partie à la misère, en partie à des<br />

consommations mal entendues, qu’il faut attribuer la malpropreté qui environne la plupart<br />

des habitations des gens de la campagne.<br />

En général, un pays où l’on dépenserait, soit dans les villes, soit dans les campagnes, en<br />

jolies maisons, en vêtements propres, n ameublements bien tenus, en instruction, une partie<br />

de ce qu’on dépense en jouissances frivoles et dangereuses ; un tel pays, dis-je, changerait<br />

totalement d’aspect, prendrait un air d’aisance, serait plus civilisé, et semblerait<br />

incomparablement plus attrayant à ses propres habitants et aux étrangers.<br />

3° Les consommations faites en commun. Il y a différents services dont les frais ne<br />

s’augmentent pas en proportion de la consommation qu’on en fait. Un seul cuisiner peut<br />

préparer également bien le repas d’une seule personne et celui de dix ; un même foyer peut<br />

faire rôtir plusieurs pièces de viande aussi bien qu’une seule ; de là l’économie qu’on trouve<br />

dans l’entretien en commun des communautés religieuses et civiles, des soldats, des ateliers<br />

nombreux ; de là celle qui résulte de la préparation dans des marmites communes, de la<br />

nourriture d’un grand nombre de personnes dispersées : c’est le principal avantage des<br />

établissements où l’on prépare des soupes économiques.<br />

4° Enfin, par des considérations d’un autre ordre, les consommations bien entendues sont<br />

celles qu’avoue la saine morale. Celles au contraire qui l’outragent, finissent ordinairement<br />

par tourner à mal pour les nations comme pour les particuliers ; mais les preuves de cette<br />

vérité m’entraîneraient trop loin de mon sujet.<br />

Il est à remarquer que la trop grande inégalité des fortunes est contraire à tous ces genres<br />

de consommations qu’on doit regarder comme les mieux entendues. À mesure que les<br />

fortunes sont plus disproportionnées, il y a dans une nation plus de besoins factices, et<br />

moins de besoins réels satisfaits ; les consommations rapides s’y multiplient : jamais les<br />

Lucullus et les Héliogabale de l’ancienne Rome ne croyaient avoir assez détruit, abîmé de<br />

denrées ; enfin, les consommations immorales sont bien plus multipliées là où se<br />

rencontrent la grande opulence et la grande misère. La société se divise alors en un petit<br />

nombre de gens qui se procurent des jouissances recherchées, et un grand nombre d’autres<br />

qui envient le sort des premiers, et font tout ce qu’ils peuvent pour les imiter ; tout moyen<br />

paraît bon pour passer d’une classe dans l’autre, et l’on est aussi peu scrupuleux sur les<br />

moyens de jouir qu’on l’a été sur ceux de s’enrichir.<br />

En tout pays, le gouvernement exerce une fort grande influence sur la nature des<br />

consommations qui se font, non seulement parce qu’il est appelé à décider de la nature des<br />

consommations publiques, mais parce que son exemple et ses volontés dirigent beaucoup de<br />

consommations privées. Si le gouvernement est ami du faste et de l’ostentation, le troupeau<br />

des imitateurs aura du faste et de l’ostentation ; et les personnes mêmes qui sont faites pour<br />

se conduire conformément à leurs propres principes, seront forcées de les sacrifier. Leur<br />

sort est-il toujours indépendant d’une faveur et d’une considération qu’on attache alors, non<br />

aux qualités personnelles, mais à des prodigalités qu’elles désapprouvent

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