Traité d'économie politique - Institut Coppet
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Le même raisonnement s’applique au travail intelligent de l’entrepreneur. Son temps,<br />
son travail, sont consommés reproductivement par lui dans sa manufacture ; et les profits<br />
qu’il en tire en échange, sont consommés improductivement par lui dans sa famille.<br />
Cette double consommation, au reste, est analogue à celle que les entrepreneurs font de<br />
leurs matières premières. Un fabricant de drap se présente chez un marchand de laine avec<br />
une somme de mille écus à la main. Ne voilà-t-il pas deux produits en présence : une valeur<br />
de mille écus, fruit d’une production antérieure, faisant maintenant partie du capital du<br />
fabricant, et, d’un autre côté, des toisons faisant partie du produi annuel d’une ferme <br />
L’échange une fois conclu, ces deux valeurs se consomment chacune de leur côté ; le<br />
capital, changé en toisons, pour faire du drap ; le produit de la ferme, changé en écus, pour<br />
satisfaire les besoins du fermier ou de son propriétaire.<br />
Toute consommation étant une perte, lorsqu’on fait une consommation reproductive, on<br />
gagne donc autant par ce que l’on consomme de moins, que par ce que l’on produit de plus.<br />
À la Chine, on épargne beaucoup sur l’ensemencement des terres, par la méthode qu’on suit<br />
de planter le grain au lieu de le semer à la volée. L’effet qui en résulte est précisément<br />
comme si les terres à la Chine étaient plus productives que celles d’Europe 384 .<br />
Dans les arts, quand la matière première est de nulle valeur, elle ne fait pas partie des<br />
consommations qu’ils nécessitent ; ainsi la pierre calcaire détruite par le chaufournier, le<br />
sable qu’emploie le verrier, ne sont pas des consommations s’ils n’ont pas de valeur.<br />
Une épargne faite sur les services productifs de l’industrie, des capitaux et des terres, est<br />
une épargne aussi réelle qu’une épargne faite sur l’emploi de la matière première. On<br />
épargne sur les services productifs de l’industrie, des capitaux et des terres ; soit en tirant<br />
plus de service des mêmes moyens de production, soit en absorbant moins de moyens de<br />
production pour obtenir les mêmes produits.<br />
Toutes ces épargnes, au bout de peu de temps, tournent en général au profit de la<br />
société ; elles diminuent les frais de production ; et la concurrence des producteurs fait<br />
ensuite baisser, au niveau de ces frais, le prix des produits à mesure que les économies<br />
deviennent plus connues, et d’un usage plus général. Mais aussi, et par cette raison même,<br />
ceux qui ne savent pas user aussi économiquement que les autres, des moyens de production<br />
perdent où les autres gagnent. Que de manufacturiers se sont ruinés, parce qu’ils ne savaient<br />
travailler qu’à grands frais, dans des bâtiments fastueux, et avec des outils trop multipliés<br />
ou trop chers, et par conséquent avec des capitaux plus considérables que ceux<br />
qu’employaient d’autres manufacturiers, pour ne pas obtenir plus de produits !<br />
Heureusement que l’intérêt personnel est, dans la plupart des cas, le premier et le plus<br />
vivement affecté de ces pertes. C’est ainsi que la douleur avertit nos membres des lésions<br />
dont il faut qu’ils se garantissent. Si le producteur maladroit n’était pas le premier puni des<br />
pertes dont il est l’auteur, nous verrions bien plus souvent encore risquer de fausses<br />
spéculations. Un mauvais spéculateur est aussi fatal à la prospérité générale qu’un<br />
dissipateur. Un négociant qui dépense cinquante mille francs pour en gagner trente, et un<br />
homme du grand monde qui dépense vingt mille francs en chevaux, en maîtresses, en<br />
festins, en bougies, font, relativement à leur propre fortune et à la richesse de la société, un<br />
métier tout pareil, au plaisir près que le dernier a peut-être plus que l’autre 385 .<br />
384 Une des personnes attachées à l’ambassade de Macartney calcula que ce qui était, par cette méthode,<br />
épargné de grain dans l’empire de la Chine, serait suffisant pour nourrir toute la Grande-Bretagne.<br />
385 Comme il est difficile, et même peut-être impossible d’évaluer, avec une tolérable exactitude, les valeurs<br />
consommées et les valeurs produites, un particulier ne sait guère que par des inventaires de tout ce qu’il possède,<br />
si sa fortune est augmentée ou diminuée. Ceux qui ont de l’ordre en font régulièrement, et même les lois obligent<br />
les personnes qui sont dans le commerce à en faire tous les ans. Un entrepreneur ne sait pas, sans cela, si son