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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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en nombre les cultivateurs qui en exploitent les terres, cette ville pourra subsister des<br />

produits agricoles du canton, et les cultivateurs s’enrichiront des produits industriels de la<br />

ville.<br />

La ville même est un excellent moyen de répandre au loin les valeurs agricoles de sa<br />

province. Les produits bruts de l’agriculture sont d’un transport difficile, les frais excédant<br />

promptement le prix de la marchandise transportée. Les produits des manufactures sont<br />

d’un transport beaucoup moins dispendieux ; leur travail fixe une valeur souvent très<br />

considérable dans une matière de peu de volume et d’un poids léger. Par le moyen des<br />

manufactures, les produits bruts d’une province se transforment donc en produits<br />

manufacturés d’une bien plus haute valeur, qui voyagent au loin, et envoient en retour les<br />

produits que réclament les besoins de la province. Il ne manque à plusieurs de nos provinces<br />

de France, maintenant très misérables, que des villes pour être bien cultivées.<br />

Ces provinces resteraient éternellement misérables et dépeuplées, si l’on suivait le<br />

système des économistes de Quesnay, qui voulaient qu’on fît faire au dehors les objets de<br />

fabrique, et qu’on payât les marchandises manufacturées avec les produits bruts de<br />

l’agriculture.<br />

Mais si les villes se fondent principalement par des manufactures de toutes les sortes,<br />

petites et grandes, les manufactures ne se fondent qu’avec des capitaux productifs ; et des<br />

capitaux productifs ne se forment que de ce qu’on épargne sur les consommations stériles. Il<br />

ne suffit pas de tracer le plan d’une ville et de lui donner un nom ; il faut, pour qu’elle existe<br />

véritablement, la fournir par degrés de talents industriels, d’ustensiles, de matières<br />

premières, de tout ce qui est nécessaire pour entretenir les industrieux jusqu’à la parfaite<br />

confection et à la vente de leurs produits : autrement, au lieu de fonder une ville, on n’élève<br />

qu’une décoration de théâtre, qui ne tarde pas à tomber, parce que rien ne la soutient. C’est<br />

ce qui est arrivé d’écatherinoslaw, dans la Tauride, et ce que faisait pressentir l’empereur<br />

Joseph Ii, lorsque, après avoir été invité à poser en cérémonie la seconde pierre de cette<br />

ville, il dit à ceux qui l’entouraient : J’ai fini une grande affaire en un jour avec<br />

l’impératrice de Russie : elle a posé la première pierre d’une ville, et moi la dernière.<br />

Des capitaux ne suffisent même pas pour établir une grande industrie et l’active<br />

production qui sont nécessaires pour former et agrandir une ville ; il faut encore une localité<br />

et des institutions nationales qui favorisent cet accroissement. Les circonstances locales sont<br />

peut-être ce qui manque à la cité de Washington pour devenir une grande capitale, car ses<br />

progrès sont bien lents en comparaison de ceux que font les états-Unis en général ; tandis<br />

que la seule situation de Palmyre, autrefois, l’avait rendue populeuse et riche, malgré les<br />

déserts de sable dont elle est entourée, et seulement parce qu’elle était devenue l’entrepôt du<br />

commerce de l’orient avec l’Europe. La même raison avait fait la prospérité d’Alexandrie,<br />

et plus anciennement encore de la Thèbes d’égypte. La seule volonté de ses princes n’aurait<br />

pas suffi pour en faire une ville à cent portes, et aussi populeuse que nous la représente<br />

Hérodote. Il faut chercher dans sa position entre la mer Rouge et le Nil, entre l’Inde et<br />

l’Europe, l’explication de son importance.<br />

Si la seule volonté ne suffit pas pour créer une ville, il semble qu’elle ne suffise pas non<br />

plus pour en borner les accroissements. Paris s’est constamment accru, malgré les<br />

règlements faits par l’ancien gouvernement de France pour y mettre des bornes. Les seules<br />

bornes respectées sont celles que la nature des choses met à l’agrandissement des villes, et il<br />

est difficile de les assigner. On rencontre plutôt des inconvénients que des obstacles<br />

positifs. Les intérêts communaux sont moins bien surveillés dans les cités trop vastes. Les<br />

habitants de l’est sont obligés de perdre plusieurs heures d’un temps précieux, pour<br />

communiquer avec ceux de l’ouest ; ils sont obligés de se croiser dans le cœur de la ville, à<br />

travers des rues et des passages encombrés et bâtis à une époque où la population et la

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