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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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l’inutilité, causaient bien plus de tort à la population que ces faibles encouragements ne<br />

pouvaient lui faire de bien.<br />

On répète tous les jours que le nouveau monde a dépeuplé l’Espagne : ce sont ses<br />

mauvaises institutions qui l’ont dépeuplée, et le peu de productions que fournit le pays<br />

relativement à son étendue 367 .<br />

Ce qui encourage véritablement la population, c’est une industrie active qui donne<br />

beaucoup de produits. Elle pullule dans tous les cantons industrieux ; et quand un sol vierge<br />

conspire avec l’activité d’une nation entière qui n’admet point de désœuvrés, ses progrès<br />

sont étonnants, comme aux états-Unis, où elle double tous les vingt ans.<br />

Par la même raison, les fléaux passagers qui détruisent beaucoup d’hommes sans<br />

attaquer les sources de la reproduction, sont plus affligeans pour l’humanité que funestes à<br />

la population. Elle remonte en très peu de temps au point où la retient la quotité des<br />

productions annuelles. Des calculs très curieux de Messance prouvent qu’après les ravages<br />

causés par la fameuse peste de Marseille, en 1720, les mariages furent en Provence plus<br />

féconds qu’auparavant. L’abbé D’Expilly a trouvé les mêmes résultats. Le même effet avait<br />

eu lieu en Prusse après la peste de 1710. Quoique ce fléau eût moissonné le tiers de la<br />

population, on voit par les tables de Sussmilch 368 que le nombre des naissances, qui était<br />

avant la peste à peu près de 26000 par année, alla, en 1771 (année qui suivit celle de la<br />

peste), à 32000. Qui n’aurait pensé qu’après un si terrible ravage, le nombre des mariages<br />

du moins ne dût considérablement diminuer Il doubla, tant est grande la tendance de la<br />

population à s’élever au niveau des ressources d’un pays !<br />

Ce que les fléaux passagers ont de funeste, ce n’est pas la dépopulation : ce sont d’abord,<br />

et au premier rang, les maux qu’ils causent à l’humanité. Il ne peut pas y avoir de grandes<br />

quantités d’individus retranchés du nombre des vivans, soit par les contagions, les famines<br />

ou les guerres, sans que beaucoup d’êtres doués de sentiment aient souffert, quelquefois<br />

même cruellement souffert, et laissé dans la souffrance une multitude de survivans, veuves,<br />

orphelins, frères, soeurs et vieillards. On doit déplorer encore dans ces calamités la perte de<br />

ces hommessupérieurs, et tels que les lumières, les talents, les vertus d’un seul, influent sur<br />

le bonheur des nations, plus que les bras de cent mille autres.<br />

Enfin une grande perte d’hommes faits est une grande perte de richesse acquise ; car tout<br />

homme adulte est un capital accumulé qui représente toutes les avances qu’il a fallu faire<br />

pendant plusieurs années pour le mettre au point où il est. Un marmot d’un jour ne remplace<br />

pas un homme de vingt ans ; et le mot du prince de Condé, sur le champ de bataille de<br />

Senef, est aussi absurde qu’il est barbare 369 .<br />

367 Ustariz remarquait que les provinces d’Espagne qui envoyaient le plus de monde aux Indes étaient les plus<br />

peuplées.<br />

368 Cité par Malthus, tome II, page 170 de la cinquième édition anglaise.<br />

369 Une nuit de Paris réparera tout cela. Il faut une nuit, plus vingt années de soins et de dépenses, pour faire<br />

un homme, que le canon moissonne en un instant ; et les destructions d’hommes que cause la guerre vont bien<br />

plus loin qu’on ne l’imagine communément : des champs ravagés, le pillage des habitations, des établissements<br />

industriels détruits, des capitaux consommés, etc., en ravissant des moyens de subsistance, font mourir bien du<br />

monde hors du champ de bataille. On peut se faire une idée du nombre prodigieux de personnes plongées dans<br />

la misère par les guerres de Bonaparte, d’après le tableau des secours donnés par les bureaux de bienfaisance<br />

de Paris. De 1804 à 1810, le nombre des femmes secourues à Paris seulement s’est graduellement élevé de<br />

21000 à 38 000. En 1810, le nombre des enfants qui recevaient à Paris des secours de la charité publique n’était<br />

pas moindre que 53 000. La mortalité était effrayante dans ces deux classes.

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