15.01.2015 Views

Traité d'économie politique - Institut Coppet

Traité d'économie politique - Institut Coppet

Traité d'économie politique - Institut Coppet

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

capitaliste français, ayant la même fortune, s’expatriait 359 . Il fait le même tort par rapport à<br />

la richesse nationale, mais non pas moralement ; car je suppose qu’un français qui sort de sa<br />

patrie lui ravit une affection et un concours de forces qu’elle n’était pas en droit d’attendre<br />

d’un étranger.<br />

Quant à la nation au sein de laquelle rentre un de ses enfants, elle fait la meilleure de<br />

toutes les acquisitions ; c’est pour elle une acquisition de population, une acquisition de<br />

profits industriels, et une acquisition de capitaux. Cet homme ramène un citoyen et en<br />

même temps de quoi faire vivre un citoyen.<br />

À l’égard des capitaux prêtés d’un pays à un autre, il n’en résulte d’autre effet,<br />

relativement à leur richesse respective, que l’effet qui résulte pour deux particuliers d’un<br />

prêt et d’un emprunt qu’ils se font. Si la France emprunte à la Hollande des fonds et qu’elle<br />

les consacre à des usages productifs, elle gagne les profits industriels et territoriaux qu’elle<br />

fait au moyen de ces fonds ; elle gagne même en payant des intérêts, tout comme un<br />

négociant, un manufacturier, qui emprunte pour faire aller son entreprise, et à qui il reste<br />

des bénéfices, même après avoir payé l’intérêt de son emprunt.<br />

Mais si un état emprunte à un autre, non pour des usages productifs, mais pour dépenser ;<br />

alors le capital qu’il a emprunté ne lui rapporte rien, et son revenu demeure grevé des<br />

intérêts qu’il paie à l’étranger. C’est la situation où s’est trouvée la France quand elle a<br />

emprunté aux gênois, aux hollandais, aux génevois, pour soutenir des guerres ou subvenir<br />

aux profusions de la cour. Toutefois il valait mieux, même pour dissiper, emprunter aux<br />

étrangers qu’aux nationaux, parce qu’au moins cette partie des emprunts ne diminuait pas<br />

les capitaux productifs de la France. De toute manière, le peuple français payait les<br />

intérêts 360 ; mais quand il avait prêté les capitaux, il payait les intérêts tout de même, et de<br />

plus il perdait les profits que son industrie et ses terres auraient pu faire par le moyen de ces<br />

mêmes capitaux.<br />

Pour ce qui est des fonds de terres possédés par des étrangers résidant à l’étranger, le<br />

revenu que donnent ces fonds de terre est un revenu de l’étranger, et cesse de faire partie du<br />

revenu national ; sauf toutefois pour la portion de l’impôt qu’il supporte. Mais qu’on y<br />

prenne garde : les étrangers n’ont pas pu acquérir sans envoyer un capital égal en valeur à la<br />

terre acquise ; ce capital est un fonds non moins précieux qu’un fonds de terre ; et il l’est<br />

plus pour nous, si nous avons des terres à mettre en valeur et peu de capitaux pour faire<br />

valoir notre industrie. L’étranger, en faisant un achat de terres, a changé avec nous un<br />

revenu capital dont nous profitons, contre un revenu foncier qu’il perçoit ; un intérêt<br />

d’argent contre un fermage ; et si notre industrie est active, éclairée, nous retirons plus par<br />

cet intérêt que nous ne retirions par le fermage ; mais il a donné un capital mobile et<br />

susceptible de dissipation, contre un capital fixe et durable. La valeur qu’il a cédée a pu<br />

s’évanouir par défaut de conduite de notre part ; la terre qu’il a acquise est restée, et, quand<br />

il voudra, il vendra la terre et en retirera chez lui la valeur.<br />

On ne doit donc nullement craindre les acquisitions de biens-fonds faites par les<br />

étrangers, quand le prix de l’acquisition doit être employé reproductivement.<br />

Quant à la forme sous laquelle un revenu perçu chez un peuple passe chez un autre, soit<br />

qu’on fasse venir ce revenu en espèces monnayées, en lingots ou en toute autre<br />

359 Cependant, si ce capital est le fruit des économies de l’artisan, en l’emportant il ne ravit pas à la France une<br />

partie des richesses qu’elle possédait sans lui. S’il était resté en France, la masse des capitaux français se serait<br />

trouvée accrue du montant de cette accumulation ; mais lorsqu’il emporte sa réserve, des valeurs de sa propre<br />

création, il n’en fait tort à personne, et par conséquent il n’en fait pas tort au pays.<br />

360 On verra dans le Livre suivant que les intérêts étaient aussi bien perdus, soit qu’ils fussent dépensés en<br />

France, soit qu’ils le fussent à l’étranger.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!