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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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Par la raison qu’une terre ne peut ni se déguiser ni se transporter, elle est plus exposée à<br />

porter le faix des charges publiques, et à devenir l’objet des vexations du pouvoir. Les<br />

ravages de la grêle, des gelées, de la guerre, retombent presque toujours sur le propriétaire<br />

foncier, qui, dans ces cas-là, quand la terre est affermée, est obligé de faire des remises au<br />

fermier 352 . Un capital qui n’est pas engagé, se met sous toutes les formes, et s’emporte où<br />

l’on veut. Mieux encore que les hommes, il fuit la tyrannie et les guerres civiles. Son<br />

acquisition est plus solide ; car il est impossible d’exercer sur ce genre de biens des reprises<br />

et des droits de suite. Il y a bien moins de procès pour des biens mobiliers que pour des<br />

terres. Néanmoins il faut que le risque des placements surpasse tous ces avantages, et qu’on<br />

préfère les fonds de terre aux capitaux, puisque les terres coûtent davantage en proportion<br />

de ce qu’elles rapportent.<br />

Quel que soit le prix auquel s’échangent mutuellement les terres et les capitaux, il est<br />

bon de remarquer que ces échanges ne font varier en rien les quantités respectives de<br />

services fonciers et de services capitaux qui sont offertes et mises dans la circulation pour<br />

concourir à la production, et que ces prix n’influent en rien par conséquent sur les profits<br />

réels et absolus des terres et des capitaux. Après qu’Ariste a vendu une terre à Théodon, ce<br />

dernier offre les services provenant de sa terre, au lieu d’Ariste qui les offrait auparavant ; et<br />

Ariste offre l’emploi du capital qu’il a reçu de cette vente, et qui était offert auparavant par<br />

Théodon.<br />

Ce qui change véritablement la quantité de services fonciers offerts et mis dans la<br />

circulation, ce sont des défrichements, des terres mises en valeur ou dont le produit est<br />

augmenté. Des épargnes, des capitaux sont, par le moyen des améliorations foncières,<br />

transformés en fonds de terre, et participent à tous les avantages et à tous les inconvénients<br />

de ces derniers. On en peut dire autant des maisons et de tous les capitaux engagés d’une<br />

façon immobilière : ils perdent leur nature de capitaux et prennent la nature des fonds de<br />

terre ; ils détruisent une partie des capitaux de la nation, mais ils étendent son territoire 353 .<br />

Les circonstances qui environnent un fonds de terre, c’est-à-dire le besoin qu’on éprouve<br />

de ses produits, varient à l’infini. Les qualités des terrains sont aussi diverses que leurs<br />

positions ; il s’établit en conséquence une offre et une demande différente pour chaque<br />

qualité différente. Une fois que les circonstances établissent une certaine demande pour les<br />

vins, l’étendue de cette demande sert de base à la demande qu’on fait du service territorial<br />

nécessaire pour faire des vins, et l’étendue des terres propres à cette culture forme la<br />

quantité offerte de ce service foncier. Si les terres favorables à la production des bons vins<br />

sont très bornées en étendue, et la demande de ces vins très considérable, les profits fonciers<br />

354<br />

de ces terres seront énormes .<br />

352 Mme de Sévigné écrivait de la Bretagne (Lettre 224) : « Je serai bien aise que mon fils vienne ici, pour voit<br />

un peu par lui-même ce que c’est que l’illusion de croire avoir du bien quand on n’a que des terres. »<br />

353 Lorsque les améliorations foncières sont prises sur des revenus, elles augmentent le territoire sans diminuer<br />

les capitaux. Si la France avait joui, à quelque époque que ce fût, d’un gouvernement économique, et qu’elle eût<br />

employé à fertiliser des provinces au centre du royaume l’argent qu’elle a dépensé à conquérir des provinces<br />

éloignées et des colonies qu’on ne pouvait conserver, elle serait bien plus heureuse et plus puissante. Les routes,<br />

les chemins vicinaux, les canaux d’irrigation et de navigation sont des moyens qu’un gouvernement a toujours à<br />

sa disposition de fertiliser des provinces qui ne produisent pas. La production est toujours chère dans une<br />

province lorsque beaucoup de frais sont nécessaires pour en transporter les produits. Une conquête intérieure<br />

augmente indubitablement la face d’un État, tandis qu’une conquête éloignée l’affaiblit presque toujours. Tout ce<br />

qui fait la force de la Grande-Bretagne est dans la Grande-Bretagne. Elle a été plus forte en perdant l’Amérique ;<br />

elle le sera davantage quand elle aura perdu les Grandes-Indes.<br />

354 La proportion entre les quantités offertes et demandées des services industriels et des services capitaux sert<br />

bien aussi de base aux profits obtenus par ces services ; mais comme les capitaux et les travaux peuvent se<br />

rendre aux lieux où ils recueillent de gros profits et se retirer, ou du moins cesser de s’offrir pour les emplois où

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