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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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lui ordonner de s’acquitter et lui en ravir les moyens. La loi des indous me semble plus<br />

sage ; elle donne au créancier le droit de saisir son débiteur insolvable, de l’enfermer chez<br />

lui, et de le faire travailler à son profit 338 . Mais quels que soient les moyens dont l’autorité<br />

publique se serve pour contraindre les gens à payer leurs dettes, ils sont tous inefficaces<br />

partout où la faveur peut parler plus haut que la loi : du moment que le débiteur est ou peut<br />

espérer de se mettre au-dessus des atteintes de son créancier, celui-ci court un risque, et ce<br />

risque a une valeur.<br />

Après avoir dégagé du taux de l’intért ce qui tient à une prime d’assurance payée au<br />

prêteur comme un équivalent du risque de perdre, en tout ou en partie, son capital, il nous<br />

reste l’intérêt pur et simple, le véritable loyer qui paie l’utilité et l’usage d’un capital.<br />

Or, cette portion de l’intérêt est d’autant plus élevée, que la quantité des capitaux à prêter<br />

est moindre, et que la quantité de capitaux demandée pour être empruntée, est plus forte ; et,<br />

de son côté, la quantité demandée est d’autant plus considérable, que les emplois de fonds<br />

sont plus nombreux et plus lucratifs. Ainsi, une hausse dans le taux de l’intérêt n’indique<br />

pas toujours que les capitaux deviennent plus rares ; elle peut aussi indiquer que les emplois<br />

deviennent plus faciles et plus productifs. C’est ce qu’observa Smith, après la guerre<br />

heureuse que les anglais terminèrent par la paix de 1763 339 . Le taux de l’intérêt haussa : les<br />

acquisitions importantes que l’Angleterre venait de faire, ouvraient une nouvelle carrière au<br />

commerce et invitaient à de nouvelles spéculations ; les capitaux ne furent pas plus rares,<br />

mais la demande des capitaux devint plus forte, et la hausse des intérêts qui s’ensuivit, et<br />

qui est ordinairement un signe d’appauvrissement, fut, dans ce cas-ci, occasionnée par<br />

l’ouverture d’une nouvelle source de richesses.<br />

La France a vu, en 1812, une cause contraire produire des effets opposés : une guerre<br />

longue, destructive, et qui fermait presque toute communication extérieure, des<br />

contributions énormes, des privilèges désastreux, des opérations de commerce faites par le<br />

gouvernement lui-même, des tarifs de douanes arbitrairement changés, des confiscations,<br />

des destructions, des vexations, et en général un système d’administration avide, hostile<br />

envers les citoyens, avaient rendu toutes les spéculations industrielles pénibles, hasardeuses,<br />

ruineuses ; quoique la masse des capitaux allât probablement en déclinant, les emplois utiles<br />

qu’on en pouvait faire, étaient devenus si rares et si dangereux, que jamais l’intérêt ne<br />

tomba, en France, aussi bas qu’à cette époque, et ce qui est ordinairement le signe d’une<br />

grande prospérité, devint alors l’effet d’une grande détresse.<br />

Ces exceptions confirment la loi générale et permanente, qui veut que plus les capitaux<br />

disponibles sont abondants en proportion de l’étendue des emplois, et plus on voie baisser<br />

l’intérêt des capitaux prêtés. Quant à la quantité des capitaux disponibles, elle tient aux<br />

épargnes précédemment faites. Je renvoie pour cela à ce que j’ai dit sur la formation des<br />

capitaux 340 .<br />

Quand on veut que tous les capitaux qui demandent des emprunteurs, et que toutes les<br />

industries qui réclament des capitaux trouvent de part et d’autre de quoi se satisfaire, on<br />

338 Raynal, Histoire philosophique, livre I, § 8.<br />

339 Rich des Nat., livre I, chap. 9.<br />

340 On a remarqué que l’intérêt est un peu moins élevé dans les villes que dans les campagnes. (Smith, Rich.<br />

des Nat., livre I, chap. 9.) La raison en est simple : les capitaux sont communément entre les mains des gens<br />

riches qui résident dans les villes, ou qui du moins s’y rendent pour leurs affaires ; ils y tiennent la denrée dont<br />

ils sont marchands, c’est-à-dire les services des capitaux, et n’aiment pas à voir les leurs employés trop loin de<br />

leurs yeux. Les villes, et surtout les villes principales, sont les grands marchés pour les capitaux, peut-être plus<br />

que pour l’industrie elle-même ; aussi l’industrie s’y paie-t-elle plus cher que les capitaux. Dans les campagnes,<br />

où il y a peu de capitaux qui ne soient engagés, c’est le contraire. Aussi se plaint-on beaucoup de l’usure dans les<br />

campagnes - il y en aurait moins, si l’on y accordait honneur et sûreté au métier de prêteur.

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