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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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L’impossibilité d’obtenir aucun produit sans le concours d’un capital, met les<br />

consommateurs dans l’obligation de payer, pour chaque produit, un prix suffisant pour que<br />

l’entrepreneur qui se charge de sa production, puisse acheter le service de cet instrument<br />

nécessaire. Ainsi, soit que le propriétaire d’un capital l’emploie lui-même dans une<br />

entreprise, soit qu’étant entrepreneur, mais que n’ayant pas assez de fonds pour faire aller<br />

son affaire, il en emprunte, la valeur de ses produits ne l’indemnise de ses frais de<br />

production, qu’autant que cette valeur, indépendamment d’un profit qui le dédommage de<br />

ses peines, lui en procure un autre qui soit la compensation du service rendu par son capital.<br />

C’est la rétribution obtenue pour ce service, qui est désignée ici par l’expression de<br />

revenu des capitaux.<br />

Le revenu d’un capitaliste est déterminé d’avance quand il prête son instrument et en tire<br />

un intérêt convenu ; il est éventuel et dépend de la valeur qu’aura le produit auquel le<br />

capital a concouru, quand l’entrepreneur l’emploie pour son compte. Dans ce cas, le capital,<br />

ou la portion du capital qu’il a empruntée et qu’il fait valoir, peut lui rendre plus ou moins<br />

que l’intérêt qu’il en paie.<br />

Des considérations sur l’intérêt des capitaux prêtés pouvant jeter du jour sur les profits<br />

que les capitaux rendent à l’emploi, il peut être utile de se former d’abord de justes idées sur<br />

la nature et les variations de l’intérêt.<br />

I. Du prêt à intérêt.<br />

L’intérêt des capitaux prêtés, mal à propos nommé intérêt de l’argent, s’appelait<br />

auparavant usure (loyer de l’usage, de la jouissance), et c’était le mot propre, puisque<br />

l’intérêt est un prix, un loyer qu’onpaie pour avoir la jouissance d’une valeur. Mais ce mot<br />

est devenu odieux ; il ne réveille plus que l’idée d’un intérêt illégal, exorbitant, et on lui en<br />

a substitué un autre plus honnête et moins expressif, selon la coutume.<br />

Avant que l’on connût les fonctions et l’utilité d’un capital, peut-être regardait-on la<br />

redevance imposée par le prêteur à l’emprunteur, comme un abus introduit en faveur du<br />

plus riche au préjudice du plus pauvre. Il se peut encore que l’épargne, seul moyen<br />

d’amasser des capitaux, fût considérée comme l’effet d’une avarice nuisible au public, qui<br />

regardait comme perdus pour lui les revenus que les grands propriétaires ne dépensaient<br />

pas. On ignorait que l’argent épargné pour le faire valoir, est dépensé tout de même<br />

(puisque, si on l’enfouissait, on ne le ferait pas valoir), qu’il est dépensé d’une manière cent<br />

fois plus profitable à l’indigence 334 , et qu’un homme laborieux n’est jamais assuré de<br />

pouvoir gagner sa subsistance que là où il se trouve un capital mis en réserve pour<br />

l’occuper. Ce préjugé contre les riches qui ne dépensent pas tout leur revenu, est encore<br />

dans beaucoup de têtes ; mais autrefois il était général ; il était partagé même par les<br />

prêteurs, qu’on voyait, honteux du rôle qu’ils jouaient, employer, pour toucher un profit très<br />

juste et très utile à la société, le ministère des gens les plus décriés.<br />

Il ne faut donc pas s’étonner que les lois ecclésiastiques, et à plusieurs époques les lois<br />

civiles elles-mêmes, aient proscrit le rêt à intérêt, et que, durant tout le moyen âge, dans les<br />

grands états de l’Europe, ce trafic, réputé infâme, ait été abandonné aux juifs. Le peu<br />

d’industrie de ces temps-là s’alimentait des maigres capitaux des marchands et artisans euxmêmes<br />

; l’industrie agricole, celle qui se pratiquait avec le plus de succès, marchait au<br />

moyen des avances des seigneurs et des grands propriétaires qui faisaient travailler des serfs<br />

ou des métayers. On empruntait, moins pour trafiquer avantageusement, que pour satisfaire<br />

334 Voyez, au livre III, ce qui a rapport à la consommation reproductive.

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