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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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L’Europe, replongée dans la barbarie au moyen âge, éprouva un sort plus triste encore,<br />

mais analogue à celui des premiers temps de la Grèce et de l’Italie. Chaque baron ou grand<br />

propriétaire avait, sous différentes dénominations, une clientelle d’hommes qui vivaient sur<br />

leurs domaines, et suivaient leurs drapeaux dans les guerres intestines et dans les guerres<br />

étrangères.<br />

J’entreprendrais sur la tâche de l’historien, si je signalais les causes qui ont<br />

graduellement développé l’industrie depuis ces temps de barbarie jusqu’à nous ; mais je<br />

ferai seulement remarquer le changement notable qui s’est opéré, et les suites de ce<br />

changement. L’industrie a fourni à la masse de la population les moyens d’exister sans être<br />

dépendante des grands propriétaires, et sans les menacer perpétuellement. Cette industrie<br />

s’est alimentée des capitaux qu’elle-même a su accumuler. Dès lors plus de clientelles : le<br />

plus pauvre citoyen a pu se passer de patron, et se mettre, pour subsister, sous la protection<br />

de son talent. De là la constitution de la société dans les temps modernes, où les nations se<br />

maintiennent par elles-mêmes, et où les gouvernements tirent de lurs sujets les secours<br />

qu’ils leur accordaient jadis.<br />

Les succès obtenus par les arts et par le commerce ont fait sentir leur importance. On n’a<br />

plus fait la guerre pour se piller et détruire les sources mêmes de l’opulence ; on s’est battu<br />

pour se les disputr. Depuis deux siècles, toutes les guerres qui n’ont pas eu pour motif une<br />

puérile vanité, ont eu pour objet de s’arracher une colonie ou bien une branche de<br />

commerce. Ce ne sont plus des barbares qui ont pillé des nations industrieuses et civilisées ;<br />

ce sont des nations civilisées qui ont lutté entre elles, et celle qui a vaincu s’est bien gardée<br />

de détruire les fondements de son pouvoir en dépouillant le pays conquis. L’invasion de la<br />

Grèce par les turcs, au quinzième siècle, paraît devoir être le dernier triomphe de la barbarie<br />

sur la icilisation. La portion industrieuse et civilisée du globe est heureusement devenue<br />

trop considérable par rapport à l’autre, pour malheur. Les progrès mêmes de l’art de la<br />

guerre ne permettent plus aucun succès durable à des barbares. Les instruments de la guerre<br />

exigent le développement d’une industrie très perfectionnée. Des armées beaucoup plus<br />

nombreuses que celles qu’on levait autrefois, ne peuvent se recruter qu’au moyen d’une<br />

population considérable ; et les seuls pays civilisés peuvent être fort populeux. Enfin, des<br />

armées nombreuses, et des munitions de guerre et de bouche proportionnées entraînent, des<br />

dépenses énormes auxquelles une industrie active et des accumulations multipliées, qui ne<br />

se rencontrent que chez des peuples très avancés, suffisent à peine.<br />

Un dernier progrès reste à faire, et il sera dû à la connaissance plus généralement<br />

répandue des principes de l’économie <strong>politique</strong>. On reconnaîtra que lorsqu’on livre des<br />

combats pour conserver une colonie ou un monopole, on court après un avantage qu’on paie<br />

toujours trop cher ; on s’apercevra qu’on n’achète jamais les produits du dehors, fût-ce dans<br />

des colonies sujettes, qu’avec des produits de l’intérieur ; que c’est par conséquent à la<br />

production de l’intérieur qu’il faut s’attacher par-dessus tout ; et que cette production n’est<br />

jamais si favorisée que par la paix la plus générale, les lois les plus douces, les<br />

communications les plus faciles. Le sort des nations dépendra désormais, non d’une<br />

prépondérance incertaine et toujours précaire, mais de leurs lumières. Les gouvernements,<br />

ne pouvant se maintenir qu’à l’aide des producteurs, tomberont toujours plus dans leur<br />

dépendance ; toute nation qui saura se rendre maîtresse de ses subsides, sera toujours sûre<br />

d’être bien gouvernée ; et toute autorité qui méconnaîtra l’état du siècle, se perdra ; car c’est<br />

contre la nature des choses qu’elle entreprendra de lutter.<br />

Chapitre VIII. Du revenu des capitaux.

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