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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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classe nombreuse dans l’état, afin d’approvisionner à meilleur marché des étrangers qui<br />

profitent des privations que vous vous êtes imposées !<br />

On rencontre des chefs d’industrie qui, toujours prêts à justifier par des arguments les<br />

œuvres de leur cupidité, soutiennent que l’ouvrier mieux payé travaillerait moins, et qu’il<br />

est bon qu’il soit stimulé par le besoin. Smith, qui avait beaucoup vu et parfaitement bien<br />

observé, n’est pas de leur avis. Je le laisserai s’expliquer lui-même.<br />

« Une récompense libérale du travail, dit cet auteur, en même temps qu’elle favorise la<br />

propagation de la classe laborieuse, augmente son industrie, qui, semblable à toutes les<br />

qualités humaines, s’accroît par la valeur des encouragements qu’elle reçoit. Une nourriture<br />

abondante fortifie le corps de l'homme qui travaille ; la possibilité d'étendre son bien-être et<br />

de se ménager un sort pour l'avenir en éveille le désir, et ce désir l'excite aux plus vigoureux<br />

efforts. Partout où les salaires sont élevés, nous voyons les ouvriers plus intelligents et plus<br />

expéditifs ; ils le sont plus en Angleterre qu'en Écosse, plus dans le voisinage des grandes<br />

villes que dans les villages éloignés. Quelques ouvriers, à la vérité, quand ils gagnent en<br />

quatre jours de quoi vivre pendant toute la semaine, restent oisifs les trois autres jours ;<br />

mais cette inconduite n'est point générale; il est plus commun de voir ceux qui sont bien<br />

payés, à la pièce, ruiner leur santé en peu d'années par un excès de travail 333 . »<br />

V. De l’indépendance née chez les modernes des progrès de l’industrie.<br />

L’économie <strong>politique</strong> a été la même dans tous les temps. Même aux époques où les<br />

principes en étaient méconnus, ils agissaient de la manière exposée dans cet ouvrage ; des<br />

causes pareilles étaient toujours suivies de résultats semblables : Tyr s’enrichissait par les<br />

mêmes moyens qu’Amsterdam. Mais ce qui a beaucoup changé à la suite des<br />

développements de l’industrie, c’est l’état des sociétés.<br />

Les peuples anciens n’étaient pas, dans l’industrie agricole, inférieurs aux modernes à<br />

beaucoup près autant que dans les autres arts industriels. Or, comme les produits de<br />

l’agriculture sont les plus favorables à la multiplication de l’espèce humaine, il y avait chez<br />

eux beaucoup plus d’hommes inoccupés que chez nous. Ceux qui n’avaient que peu ou<br />

point de terres, ne pouvant vivre de l’industrie et des capitaux qui leur manquaient, et trop<br />

fiers pour exercer auprès de leurs concitoyens des emplois serviles qu’on abandonnait aux<br />

esclaves, vivaient d’emprunts qu’ils étaient toujours hors d’état d’acquitter, et réclamaient<br />

des partages de biens dont l’exécution n’était pas praticable. Il fallait, pour les satisfaire,<br />

que les hommes les plus considérables de chaque nation les conduisissent à la guerre, et, de<br />

retour dans la cité, les entretinssent au moyen des dépouilles conquises sur l’ennemi, ou à<br />

leurs propres dépens. De là les troubles civils qui agitaient les nations de l’antiquité ; de là<br />

leurs guerres perpétuelles ; de là le trafic des votes ; de là ces nombreuses clientelles d’un<br />

Marius et d’un Sylla, d’un Pompée et d’un César, d’un Antoine et d’un Octave ; jusqu’à ce<br />

qu’enfin le peuple romain tout entier ait formé la cour d’un Caligula, d’un Héliogabale et de<br />

beaucoup d’autres monstres qui étaient obligés de le nourrir en l’opprimant.<br />

Le sort des villes industrieuses, de Tyr, de Corinthe, de Carthage, n’tait pas tout-à-fait le<br />

même ; mais elles devaient succomber devant des guerriers moins riches qu’elles, plus<br />

aguerris, et qui obéissaient à l’impulsion du besoin. La civilisation et l’industrie devinrent<br />

toujours la proie de la barbarie et de la pauvreté, jusqu’à ce qu’enfin Rome elle-même<br />

disparut devant les goths et les vandales.<br />

333 Richesse des Nations, livre I, ch. 8.

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