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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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extrémités, passer plusieurs semaines sans ouvrage. Il est bien difficile que cette différence<br />

de position n’influe pas sur le réglement des salaires.<br />

M De Sismondi, dans un ouvrage publié depuis la troisième édition de celui-ci 332 ,<br />

propose quelques moyens législatifs d’améliorer le sort de la classe ouvrière. Il part de ce<br />

principe que le bas salaire des ouvriers tourne au profit des entrepreneurs qui les font<br />

travailler ; de là il conclut que ce n’est pas la société qui doit, dans leur détresse, prendre<br />

soin des ouvriers, mais les entrepreneurs qui les emploient. Il veut qu’on oblige les<br />

propriétaires terriens et les gros fermiers à entretenir en tout temps les ouvriers des champs,<br />

et qu’on oblige les manufacturiers à entretenir ceux qui travaillent en ateliers. En même<br />

temps, pour que la sécurité qui résulterait dans l’esprit des ouvriers de la certitude d’un<br />

entretien suffisant et d’eux-mêmes et de leurs enfants, ne les multipliât pas outre mesure, il<br />

accorde aux entrepreneurs qui en auraient la charge, le droit de permettre et d’empêcher<br />

leurs mariages.<br />

Ces propositions, dictées par une louable philanthropie, ne me semblent pas admissibles<br />

dans la pratique. Ce serait renoncer à tout respect de la propriété, que de grever une partie<br />

de la société de l’entretien d’une autre classe, et de la contraindre à payer une main-d’œuvre<br />

lorsque aucun produit ne peut la rembourser ; et ce serait la violer bien plus encore que<br />

d’attribuer à qui que ce fût un droit sur la personne d’autrui, qui est la plus sacrée de toutes<br />

les propriétés. En interdisant toujours plus ou moins arbitrairement le mariage des uns, on<br />

rendrait plus prolifique le mariage des autres. D’ailleurs, il n’est pas vrai que ce soient les<br />

entrepreneurs d’industrie qui profitent des bas salaires. Les bas salaires, par suite de la<br />

concurrence, font baisser le prix des produits auxquels l’ouvrier travaille ; et ce sont les<br />

consommateurs des produits, c’est-à-dire la société tout entière, qui profitent de leur bas<br />

prix. Si donc, par suite de ces bas prix, les ouvriers indigens tombent à sa charge, elle en est<br />

indemnisée par la moindre dépense qu’elle fait sur les objets de sa consommation.<br />

Il est des maux qui résultent de la nature de l’homme et des choses. L’excès de la<br />

population par-dessus les moyens de subsistance, est de ce nombre. Ce mal, toute<br />

proportion gardée, n’est pas plus considérable dans une société civilisée que chez les<br />

peuplades sauvages. En accuser l’état social est une injustice ; se flatter qu’on pourra s’en<br />

affranchir est une illusion ; travailler à l’atténuer est une noble occupation : mais il ne faut<br />

pas chercher des remèdes qui ne remédieraient à rien ou qui auraient des inconvénients<br />

pires que le mal.<br />

Sans doute le gouvernement, lorsqu’il le peut sans provoquer aucun désordre, sans<br />

blesser la liberté des transactions, doit protèger les intérêts des ouvriers, parce qu’ils sont<br />

moins que ceux des maîtres protégés par la nature des choses ; mais, en même temps, si le<br />

gouvernement est éclairé, il se mêlera aussi peu que possible des affaires des particuliers,<br />

pour ne pas ajouter aux maux de la nature ceux qui viennent de l’administration.<br />

Ainsi, il protègera les ouvriers contre la collusion des maîtres, non moins soigneusement<br />

qu’il protègera les maîtres contre les complots des ouvriers. Les maîtres sont moins<br />

nombreux, et leurs communications plus faciles. Les ouvriers, au contraire, ne peuvent<br />

guère s’entendre sans que leurs ligues aient l’air d’une révolte que la police s’empresse<br />

toujours d’étouffer. Le système qui fonde les principaux gains d’une nation sur<br />

l’exportation de ses produits, est même parvenu à faire considérer les ligues des ouvriers<br />

comme funestes à la prospérité de l’état, en ce qu’elles entraînent une hausse dans le prix<br />

des marchandises d’exportation, laquelle nuit à la préférence qu’on veut obtenir sur les<br />

marchés de l’étranger. Mais quelle prospérité que celle qui consiste à tenir misérable une<br />

332 Nouveaux principes d’Économie <strong>politique</strong>, livre VII, chap. 9.

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