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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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des vins, ont déterminé plusieurs propriétaires de vignobles à changer la culture de leurs<br />

terres ; telle est la cause durable de la surabondance du travail de tonnellerie mis en<br />

circulation. On ne tient pas compte de cette cause ; on vient au secours des ouvriers<br />

tonneliers, soit en achetant sans besoin des tonneaux, soit en leur distribuant des secours à<br />

peu près équivalens aux profts qu’ils avaient coutume de faire. Mais des achats sans<br />

besoins, des secours, ne peuvent pas se perpétuer ; et, au moment où ils viennent à cesser,<br />

les ouvriers se trouvent exactement dans la même position fâcheuse d’où l’on a voulu les<br />

tirer. On aura fait des sacrifices, des dépenses, sans aucun avantage, si ce n’est d’avoir un<br />

peu différé le désespoir de ces pauvres gens.<br />

Par une supposition contraire, la cause de la surabondance des tonneaux est passagère ;<br />

c’est, par exemple, une mauvaise récolte. Si, au lieu de procurer des secours passagers aux<br />

feseurs de tonneaux, on favorise leur établissement en d’autres cantons, ou leur emploi dans<br />

quelque autre branche d’industrie, il arrivera que l’année suivante, abondante en vins, il y<br />

aura disette de tonneaux ; leur prix sera exorbitant, il sera réglé par la cupidité et l’agiotage ;<br />

et comme la cupidité et l’agiotage ne peuvent pas produire des tonneaux quand les moyens<br />

de production de cette denrée sont détruits, une partie des vins pourra demeurer perdue<br />

faute de vases. Ce n’est que par une nouvelle commotion et à la suite de nouveaux<br />

tiraillements, que leur fabrication se remontera au niveau des besoins.<br />

On voit qu’il faut changer de remède suivant la cause du mal, et par conséquent<br />

connaître cette cause avant de choisir le remède.<br />

J’ai dit que ce qu’il fallait pour vivre, était la mesure du salaire des ouvrages les plus<br />

communs, les plus grossiers ; mais cette mesure est très variable : les habitudes des hommes<br />

influent beaucoup sur l’étendue de leurs besoins. Il ne me paraît pas assuré que les ouvriers<br />

de certains cantons de France pussent vivre sans boire un seul verre de vin. À Londres, ils<br />

ne sauraient se passer de bière ; cette boisson y est tellement de première nécessité, que les<br />

mendiants vous y demandent l’aumône pour aller boire un pot de bière, comme en France<br />

pour avoir un morceau de pain ; et peut-être ce dernier motif, qui nous semble fort naturel,<br />

paraît-il impertinent à un étranger qui arrive pour la première fois d’un pays où la classe<br />

indigente peut vivre avec des patates, du manioc, ou d’autres aliments encore plus vils.<br />

La mesure de ce qu’il faut pour vivre dépend donc en partie des habitudes du pays où se<br />

trouve l’ouvrier. Plus la valeur de sa consommation est petite, et plus le taux ordinaire de<br />

son salaire peut s’établir bas, plus les produits auxquels il concourt sont à bon marché. S’il<br />

veut améliorer son sort et élever ses salaires, le produit auquel il concourt renchérit, ou bien<br />

la part des autres producteurs diminue.<br />

Il n’est pas à craindre que les consommations de la classe des ouvriers s’étendent bien<br />

loin, grâce au désavantage de sa position. L’humanité aimerait à les voir, eux et leur famille,<br />

vêtus selon le climat et la saison ; elle voudrait que dans leur logement ils pussent trouver<br />

l’espace, l’air et la chaleur nécessaires à la santé ; que leur nourriture fût saine, assez<br />

abondante, et même qu’ils pussent y mettre quelque choix et quelque variété ; mais il est<br />

peu de pays où des besoins si modérés ne passent pour excéder les bornes du strict<br />

nécessaire, et où par conséquent ils puissent être satisfaits avec les salaires accoutumés de la<br />

dernière classe des ouvriers.<br />

Ce taux du strict nécessaire ne varie pas uniquement à raison du genre de vie plus ou<br />

moins passable de l’ouvrier et de sa famille, mais encore à raison de toutes les dépenses<br />

regardées comme indispensables dans le pays où il vit. C’est ainsi que nous mettions tout à<br />

l’heure au rang de ses dépenses nécessaires celle d’élever ses enfants ; il en est d’autres<br />

moins impérieusement commandées par la nature des choses, quoiqu’elles le soient au<br />

même degré par le sentiment : tel est le soin de vieillards. Dans la classe ouvrière il est trop<br />

négligé. La nature, pour perpétuer le genre humain, ne s’en est rapporté qu’aux impulsions

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