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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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ien. Si elle n’avait que son travail pour subsister, il est évident qu’il faudrait qu’elle en<br />

doublât le prix ou qu’elle mourût de faim ; en d’autres termes, que le travail fût payé le<br />

double ou n’eût pas lieu.<br />

Ceci peut s’appliquer à tous les ouvrages des femmes. En général, ils sont fort peu payés,<br />

par la raison qu’un très grand nombre d’entre elles sont soutenues autrement que par leur<br />

travail, et peuvent mettre dans la circulation le genre d’occupations dont elles sont capables,<br />

au-dessous du taux où le fixerait l’étendue de leurs besoins.<br />

On en peut dire autant du travail des moines et des religieuses. Dans les pays où il y en a,<br />

il est fort heureux pour les vrais ouvriers qu’il ne se fabrique que des futilités dans les<br />

cloîtres ; car s’il s’y faisait des ouvrages d’une industrie courante, les ouvriers dans le même<br />

genre qui ont une famille à soutenir, ne pourraient point donner leur ouvrage à si bas prix<br />

sans périr de besoin.<br />

Le salaire des ouvriers de manufactures est souvent plus fort que celui des ouvriers des<br />

champs ; mais il est sujet à des vicissitudes fâcheuses. Une guerre, une loi prohibitive, en<br />

faisant cesser tout à coup certaines demandes, plonge dans la détresse les ouvriers qui<br />

étaient occupés à les satisfaire. Un simple changement de mode devient une fatalité pour<br />

des classesentières. Les cordons de souliers substitués aux boucles, plongèrent dans la<br />

désolation les villes de Sheffield et de Birmingham 330 .<br />

Les moindres variations dans le prix de la main-d’œuvre la plus commune, ont de tout<br />

temps été regardées avec raison comme de très grands malheurs. En effet, dans un rang un<br />

peu supérieur en richesse et en talents (qui sont une espèce de richesse), une baisse dans le<br />

taux des profits oblige à des retranchements dans les dépenses, ou tout au plus entraîne la<br />

dissipation d’une partie des capitaux que ces classes ont ordinairement à leur disposition.<br />

Mais dans la classe dont le revenu est de niveau avec le rigoureux nécessaire, une<br />

diminution de revenu est un arrêt de mort, sinon pour l’ouvrier même, au moins pour une<br />

partie de sa famille.<br />

Aussi a-t-on vu tous les gouvernements, à moins qu’ils ne se piquent d’aucune<br />

sollicitude, venir à l’appui de la classe indigente, quand un événement subit a fait tomber<br />

accidentellement le salaire des travaux communs au-dessous du taux nécessaire pour<br />

l’entretien des ouvriers. Mais trop souvent les secours n’ont pas répondu dans leurs effets<br />

aux vues bienfaisantes des gouvernements, faute d’un juste discernement dans le choix des<br />

secours. Quand on veut qu’ils soient efficaces, il faut commencer par chercher la cause de la<br />

chute du prix du travail. Si elle est durable de sa nature, les secours pécuniaires et passagers<br />

ne remédient à rien : ils ne font que reculer l’instant de la désolation. La découverte d’un<br />

procédé inconnu, une importation nouvelle, ou bien l’émigration d’un certain nombre de<br />

consommateurs, sont de ce genre. Alors on doit tâcher de fournir aux bras désemployés une<br />

nouvelle occupation durable, favoriser de nouvelles branches d’industrie, former des<br />

entreprises lointaines, fonder des colonies, etc.<br />

Si la chute de la main-d’œuvre est de nature à ne pas durer, comme celle qui peut être le<br />

résultat d’une bonne ou d’une mauvaise récolte, alors on doit se borner à accorder des<br />

secours aux malheureux qui souffrent de cette oscillation.<br />

Un gouvernement ou des particuliers bienfesans avec légèreté, auraient le regret de ne<br />

point voir leurs bienfaits répondre à leurs vues. Au lieu de prouver cela par le raisonnement,<br />

j’essaierai de le faire sentir par un exemple.<br />

Je suppose que dans un pays de vignobles les tonneaux se trouvent si abondants, qu’il<br />

soit impossible de les employer tous. Une guerre, ou bien une loi contraire à la production<br />

330 Malthus, Essai sur la population, 5e édition, livre III, ch. 13.

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