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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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S’il y a des faits qui paraissent contraires à ce principe, on peut les expliquer : les prêtres<br />

sont faiblement payés 322 ; cependant, lorsqu’une religion repose sur des dogmes très<br />

compliqués, sur des histoires très obscures, on ne peut exercer le ministère religieux sans de<br />

longues études et des exercices multipliés ; or, ces études, ces exercices, ne peuvent avoir<br />

lieu sans l’avance d’un capital : il semble donc qu’il faudrait, pour que la profession<br />

cléricale pût se perpétuer, que le traitement du prêtre payât l’intérêt du capital,<br />

indépendamment du salaire de sa peine auquel paraissent se borner les profits du bas clergé,<br />

surtout dans les pays catholiques. Mais qu’on prenne garde que c’est la société qui fait<br />

l’avance de ce capital, en entretenant et endoctrinant à ses frais des étudiants en théologie,<br />

pris dans la classe des paysans et dans les familles qui sont hors d’état d’élever à leurs frais<br />

tous leurs enfants. Alors le peuple, qui a payé le capital, trouve des gens pour exercer cette<br />

industrie moyennant le simple salaire de leur travail, ou ce qui est nécessaire pour leur<br />

entretien ; et leur entretien ne comprend pas celui d’une famille.<br />

323<br />

Ces diverses considérations ont porté plusieurs auteurs recommandables à penser<br />

qu’en ajoutant aux rétributions pécuniaires qu’obtiennent les travaux de l’industrie, les<br />

autres avantages qu’ils peuvent procurer, et en retranchant de ces rétributions la valeur des<br />

inconvénients que les mêmes travaux entraînent, les profits qu’on peut y faire demeurent<br />

égaux entre eux. Ils se fondent sur ce que l’intérêt personnel excite tous les hommes à<br />

embrasser les occupations qui, au total, présentent le plus d’avantages ; ils prétendent que<br />

s’il y en avait qui parussent plus favorisées que les autres, on s’y porterait de préférence, et<br />

que la concurrence les ramènerait au taux commun. Mais dans la pratique les choses ne<br />

s’arrangent pas ainsi. Les hommes font rarement ce qu’ils veulent. Il y a des professions qui<br />

coûtent constamment la vie à ceux qui les exercent, comme celles de tailleur de grès,<br />

d’émouleur d’épingles, de vernisseur de faïences : il semble qu’il faudrait un énorme<br />

dédommagement pour un si grand sacrifice ; cependant ces professions sont à peine plus<br />

lucratives que les autres.<br />

La plupart des hommes embrassent un état par occasion, suivant les conjonctures, sans<br />

avoir pu comparer les avantages ou les inconvénients qu’il présente, ou bien pour obéir aux<br />

opinions et même aux préjugés des personnes de qui leur sort dépend. Ils sont séduits par<br />

des succès brillans sans avoir pu juger les circonstances particulières auxquelles on les a<br />

dus. Le penchant de l’homme pour se flatter lui-même, pour croire que, s’il y a une chance<br />

heureuse, elle lui sera réservée, attire vers certaines professions plus de travaux que les<br />

profits qu’on y peut faire ne sembleraient devoir en appeler.<br />

« Dans une loterie équitable, dit l’auteur de la richesse des nations, les bons billets<br />

doivent gagner tout ce que perdent les billets blancs : dans un métier où vingt personnes se<br />

ruinent pour une qui réussit, celle qui réussit devrait gagner seule les profits de vingt<br />

autres 324 . » Or, dans beaucoup d’emplois, on est loin d’être payé suivant ce taux. Le même<br />

auteur croit que, quelque bien payés que soient les avocats de réputation, si l’on computait<br />

tout ce qui est gagné par tous les avocats d’une grande ville, et tout ce qui est dépensé par<br />

eux, on trouverait la somme du gain de beaucoup inférieure à celle de la dépense. Si dans<br />

cette profession les travailleurs subsistent, c’est donc aux dépens de quelque autre revenu<br />

qu’ils ont d’ailleurs.<br />

On peut dire la même chose des professions lettrées. Les encouragements donnés par la<br />

plupart des gouvernements aux études classiques, de préférence à l’acquisition de<br />

322 Je n’entends pas parler des gros bénéficiers dont le salaire s’élève très haut, mais par des causes qui tiennent<br />

à l’ordre <strong>politique</strong>.<br />

323 Notamment M. Mac Culloch : Supplément à l’Encyclopedia Britannica, troisième partie, sect. 2.<br />

324 Rich. des Nat., livre I, chap. 20.

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