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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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la conséquence nécessaire de l'autre. Si l'opinion ou le préjugé du public venait à changer<br />

touchant ces occupations, leur traitement pécuniaire tomberait à l'instant. Plus de gens<br />

s'appliqueraient à ce genre d'industrie, et leur concurrence en ferait baisser le prix. De tels<br />

talents poussés à un certain point, sans être communs, ne sont pas si rares qu'on l'imagine :<br />

bien des gens les possèdent, qui regardent comme au-dessous d'eux d'en faire un objet de<br />

lucre ; et un bien plus grand nombre seraient capables de les acquérir, s'ils procuraient<br />

autant d'estime que d'argent 320 . »<br />

On objectera peut-être que certaines fonctions publiques procurent à la fois beaucoup<br />

d’honneurs et beaucoup d’argent ; mais il est évident que les intérêts des hommes ne sont<br />

pas, dans ce cas, abandonnés à leur cours naturel. C’est le public qui supporte la dépense<br />

des places, mais ce n’est pas le public qui en fixe le nombre et les émoluments. C’est le plus<br />

souvent un pouvoir plus jaloux de distribuer des faveurs et d’accroître sa clientelle, que de<br />

ménager les intérêts du contribuable. Dans les pays qui jouissent d’une organisation<br />

<strong>politique</strong> plus parfaite, où les emplois sont donnés au mérite constaté par un concours<br />

équitable, et où les émoluments ne sont qu’une juste récompense des services rendus, le<br />

public est mieux servi à moins de frais.<br />

Tout travail qui n’est pas constant est nécessairement mieux payé ; car il faut qu’on le<br />

paie à la fois pour le moment où il est en exercice, et pour le moment où il attend qu’on ait<br />

besoin de lui. Un loueur de carrosses se fait payer les jours où il travaille, plus que ne<br />

sembleraient l’exiger les peines qu’il se donne et l’intérêt du capital qu’il emploie ; c’est<br />

parce qu’il faut que les jours où il travaille, gagnent pour ceux où il ne travaille pas. Il ne<br />

pourrait demander un autre prix sans se ruiner. Le loyer des travestissements est fort cher<br />

par la même raison : le carnaval paie pour toute l’année.<br />

Un mauvais dîner coûte fort cher lorsqu’on voyage sur une route peu fréquentée, parce<br />

qu’il faut que l’aubergiste gagne pour la veille et pour le lendemain.<br />

Quand l’habileté nécessaire pour exercer une industrie, soit en chef, soit en sous-ordre,<br />

ne peut être le fruit que d’une étude longue et coûteuse, cette étude n’a pu avoir lieu<br />

qu’autant qu’on y a consacré chaque année quelques avances, et le total de ces avances est<br />

un capital accumulé. Alors le salaire du travail n’est plus un salaire seulement : c’est un<br />

salaire accru de l’intérêt des avances que cette étude a exigées ; cet intérêt est même<br />

supérieur à l’intérêt ordinaire, puisque le capital dont il est ici question est placé à fonds<br />

perdu, et ne subsiste pas au-delà de la vie de l’homme : c’est un intérêt viager 321 .<br />

Voilà pourquoi tous les emplois de temps et de facultés qui demandent qu’on ait reçu<br />

une éducation libérale, sont mieux récompensés que ceux où la bonne éducation n’est pas<br />

indispensable. Cette qualité est un capital dont on doit retirer les intérêts, indépendamment<br />

des profits ordinaires de l’industrie.<br />

320 Rich. des Nat., livre 1, ch. 20.<br />

321 C’est même plus qu’un intérêt viager des sommes consacrées à l’éducation de la personne qui reçoit le<br />

salaire : c’est, à la rigueur, l’intérêt viager de toutes les sommes consacrées au même genre d’étude, que les<br />

talents soient venus ou non à maturité. Ainsi le total des honoraires des médecins doit payer, outre l’intérêt des<br />

sommes consacrées à leurs études, celui des sommes consacrées à l’instruction des étudiants morts pendant leur<br />

éducation, ou qui n’ont pas répondu aux soins qu’on a pris d’eux ; car la masse des travaux médicinaux<br />

actuellement en circulation n’a pu exister, sans qu’une partie des avances consacrées à l’instruction des médecins<br />

ait été perdue. Au surplus, une trop minutieuse exactitude dans les appréciations de l’économie <strong>politique</strong> est sans<br />

utilité, et se trouve fréquemment démentie par les faits, à cause de l’influence des considérations morales dans<br />

les faits de ce genre, considérations qui n’admettent pas une précision mathématique. C’est pourquoi<br />

l’application des formules algébriques à cette science est tout à fait superflue, et ne sert qu’à la hérisser de<br />

difficultés sans objet. Smith ne les a pas employées une seule fois.

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