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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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applications qu’il en fait aux billets de banque et aux papiers-monnaie, sont de la plus<br />

grande importance dans la pratique. Elles lui ont fourni les moyens de prouver qu’un capital<br />

productif ne consiste point dans une somme d’argent, mais dans la valeur des choses qui<br />

servent à la production. Il classe, il analyse ces choses qui composent les capitaux<br />

productifs de la société, et en montre les véritables fonctions 24 .<br />

Avant Smith, on avait avancé plusieurs fois des principes très vrais<br />

25 : il a montré le<br />

premier pourquoi ils étaient vrais. Il a fait plus : il a donné la vraie méthode de signaler les<br />

erreurs ; il a appliqué à l’économie <strong>politique</strong> la nouvelle manière de traiter les sciences, en<br />

ne recherchant pas ses principes abstractivement, mais en remontant des faits les plus<br />

constamment observés, aux lois générales dont ils sont une conséquence. De ce qu’un fait<br />

peut avoir telle cause, l’esprit de système conclut la cause : l’esprit d’analyse veut savoir<br />

pourquoi telle cause a produit cet effet, et s’assurer qu’il n’a pu être produit par aucune<br />

autre cause. L’ouvrage de Smith est une suite de démonstrations qui ont élevé plusieurs<br />

propositions au rang de principes incontestables, et en ont plongé un bien plus grand<br />

nombre dans ce gouffre où les idées vagues et hypothétiques, les imaginations<br />

extravagantes, se débattent un certain temps avant de s’engloutir pour toujours.<br />

On a dit que Smith avait de grandes obligations à Steuart , qu’il n’a pas cité une seule<br />

fois, même pour le combattre. Je ne vois pas en quoi consistent ces obligations. Il a conçu<br />

son sujet bien autrement que Steuart ; il plane au-dessus d’un terrain où l’autre se traîne.<br />

Steuart a soutenu un système déjà embrassé par Colbert, adopté ensuite par tous les<br />

écrivains français et étrangers qui ont écrit sur le commerce jusqu’aux économistes du dixhuitième<br />

siècle, constamment suivi par la plupart des gouvernements européens, et qui fait<br />

dépendre les richesses d’un pays, non du montant de ses productions, mais du montant de<br />

ses ventes à l’étranger. Smith a consacré une partie importante de son livre à confondre ce<br />

système. S’il n’a pas réfuté Steuart en particulier, c’est que Steuart n’est pas chef d’école, et<br />

qu’il s’agissait de combattre l’opinion générale d’alors, plutôt que celle d’un écrivain qui<br />

n’en avait point qui lui fût propre.<br />

Avec plus de raison les économistes français du dix-huitième siècle ont réclamé quelque<br />

influence sur les idées de Smith qui, en effet, a pu apprendre d’eux que la richesse ne<br />

consiste pas uniquement dans le prix qu’on tire d’une chose, mais dans la chose même qui a<br />

un prix. Il a pu facilement étendre à la création de tous les produits, la multiplication des<br />

richesses, que les sectateurs de Quesnay n’attribuaient qu’aux seuls produits agricoles. De<br />

là aux nombreuses conséquences découvertes par Smith, on n’aperçoit rien qui passe la<br />

portée d’un esprit juste et réfléchi ; mais qui peut élever la prétention d’avoir exclusivement<br />

formé un grand homme Était-il demeuré étranger aux progrès que l’esprit humain avait<br />

faits avant lui N’est-il pas toujours l’œuvre de la nature et des circonstances <br />

L’événement le plus commun a pu être pour lui le germe d’une découverte importante :<br />

26<br />

24 Smith n’a peut-être pas traité ce sujet délicat avec un ordre et une clarté suffisants ; tellement qu’un de ses<br />

compatriotes, qui pourtant a de l’esprit, lord Lauderdale, a fait un livre entier pour prouver qu’il n’avait rien<br />

compris à cette partie de l’ouvrage de Smith.<br />

25 Quesnay, dans l’Encyclopédie, article Grains, avait dit que « les denrées qui peuvent se vendre doivent<br />

toujours être regardées indifféremment comme richesses pécuniaires et comme richesses réelles, dont les sujets<br />

peuvent user comme il leur convient. » Voilà la valeur échangeable de Smith. Verri avait dit (chap. 3) que la<br />

reproduction n’était autre chose qu’une reproduction de valeurs, et que la valeur des choses était la richesse.<br />

Galiani, ainsi que nous l’avons vu plus haut, avait dit que le travail était la source de toute valeur ; mais Smith<br />

s’est rendu propres ces idées en les liant, comme on voit, à tous les autres phénomènes, et en les prouvant par<br />

leurs conséquences mêmes.<br />

26 Auteur d’un Traité d’économie <strong>politique</strong>.

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