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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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conséquent les consommateurs plus pauvres), ne compense point par l’augmentation de prix<br />

des choses produites, la diminution de leur quantité.<br />

Je suppose qu’à la suite d’une épizootie ou d’un mauvais régime vétérinaire, une race de<br />

bestiaux, les brebis, par exemple, deviennent de plus en plus rares ; leur prix haussera, mais<br />

non pas en proportion de la réduction de leur nombre : car à mesure qu’elles renchériront, la<br />

demande de cette denrée diminuera. S’il venait à y avoir cinq fois moins de brebis qu’il n’y<br />

en a ctuellement, on pourrait bien ne les payer que le double plus cher : or, là où il y a<br />

actuellement cinq brebis produites qui peuvent valoir ensemble 100 francs à 20 francs<br />

pièce, il n’y en aurait plus qu’une qui vaudrait 40 francs. La diminution des richesses<br />

consistant en brebis, malgré l’augmentation du prix, serait dans ce cas diminuée dans la<br />

proportion de 100 à 40, c’est-à-dire de plus de moitié, malgré le renchérissement 295 .<br />

Je vais plus loin, et je dis que la baisse réelle des prix, même en supposant qu’elle<br />

n’entraîne aucune augmentation dans les quantités produites et consommées, est un<br />

accroissement de richesses pour le pays, et que cette augmentation peut être évaluée en<br />

valeur échangeable, en argent si l’on veut. Prenons le même exemple. Après que des causes<br />

quelconques ont maintenu le prix des brebis à 40 francs, supposons qu’on introduit des<br />

races plus fécondes, ou bien qu’on les soigne plus habilement, ou bien qu’on les nourrisse à<br />

moins de frais, et que, leur valeur diminuant, on puisse acquérir chaque brebis au prix de 20<br />

francs sans que la consommation s’en augmente (quelque invraisemblable que soit cette<br />

dernière supposition) ; qu’en résulte-t-il Là où l’on vendait cent brebis pour 4000 francs,<br />

on en vendra, sans perte, le même nombre pour 2000 francs. Ne voyez-vous pas que les<br />

consommateurs (c’est-à-dire la nation) dépensant 2000 francs de moins pour cette<br />

consommation, auront 2000 francs à consacrer à une autre Or, qu’est-ce que d’avoir plus<br />

296<br />

d’argent à dépenser, sinon d’être plus riche <br />

Et si l’on était porté à croire qu’une baisse réelle, c’est-à-dire des services productifs<br />

moins chers, diminuent les avantages des producteurs précisément autant qu’ils augmentent<br />

ceux des acheteurs, on serait dans l’erreur. La baisse réelle deschoses produites tourne au<br />

profit des consommateurs, et n’altère point les revenus des producteurs. Le fabricant de bas,<br />

qui fournit deux paires au lieu d’une pour six francs, a autant de profit sur cette somme qu’il<br />

en aurait eu si c’eût été le prix d’une seule paire. Le propriétaire foncier reçoit le même<br />

fermage lorsqu’un meilleur assolement multiplie les produits de sa terre et en fait baisser le<br />

prix. Et lorsque, sans augmenter les fatigues d’un manouvrier, je trouve le moyen de<br />

doubler la quantité d’ouvrage qu’il exécute, le manouvrier gagne toujours la même journée,<br />

quoique le produit devienne moins cher.<br />

Nous trouvons là-dedans l’explication et la preuve d’une vérité qu’on ne sentait que bien<br />

confusément, et qui même était contestée par plusieurs sectes et par un grand nombre<br />

d’écrivains : c’est qu’un pays est d’autant plus riche et mieux pourvu, que le prix des<br />

denrées y baisse davantage 297 .<br />

295 C’est l’espèce de tort que font les impôts (surtout lorsqu’ils sont un peu forts) à la richesse générale,<br />

indépendamment du dommage qu’ils portent au contribuable. En élevant les frais de production, et par<br />

conséquent le prix réel des choses, ils en diminuent la valeur totale.<br />

296 J’ai vu des gens qui s’imaginent augmenter les richesses nationales, en favorisant de préférence la<br />

production des choses chères. Suivant eux, il vaut mieux faire une aune d’une étoffe de soie richement brochée,<br />

qu’une aune de simple taffetas. Ils ne font pas attention que si l’étoffe brochée coûte quatre fois autant que le<br />

taffetas, c’est qu’elle a exigé quatre fois autant de services productifs, qui auraient fait quatre aunes unies, au lieu<br />

d’une aune brochée ; et que ce que l’on paie de trop pour une consommation est ravi à une autre.<br />

297 Dupont de Nemours (Physiocratie, page 117) dit : « Qu’on ne croie pas que le bon marché des denrées est<br />

profitable au menu peuple ; car le bas prix des denrées fait baisser le salaire des gens du peuple, diminue leur<br />

aisance, leur procure moins de travail et d’occupations lucratives. » Le raisonnement et les faits prouvent

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