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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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en frais de production égale à trois francs, pour acheter trois livres de sucre, et il n’a plus<br />

fallu que trois livres de sucre, c’est-à-dire, des frais de production égaux à trois francs, pour<br />

acheter une paire de bas.<br />

Or, si deux produits que nous avons mis en opposition, et que nous avons fait acheter<br />

l’un par l’autre, ont pu baisser tous les deux à la fois, n’est-on pas autorisé à conclure que<br />

cette baisse est réelle, qu’elle n’est point relative au prix réciproque des choses, que les<br />

choses peuvent toutes baisser à la fois, les unes plus, les autres moins, et que ce que l’on<br />

paie de moins dans ce cas, ne coûte rien à personne <br />

Voilà pourquoi dans les temps modernes, quoique les salaires, comparés à la valeur du<br />

blé, soient à peu près les mêmes, les classes pauvres du peuple sont néanmoins pourvues de<br />

bien des utilités dont elles ne jouissaient pas il y a quatre ou cinq cents ans, comme de<br />

plusieurs parties de leur vêtement et de leur ameublement, qui ont réellement baissé de<br />

prix ; c’est aussi pourquoi elles sont moins bien pourvues de certaines autres choses qui ont<br />

subi une hausse réelle, comme de viande de boucherie et de gibier 293 .<br />

Une économie dans les frais de production indique toujours qu’il y a moins de services<br />

productifs employés pour donner le même produit ; ce qui équivaut à plus de produit pour<br />

les mêmes services productifs. Il en résulte toujours une augmentation de quantité dans la<br />

chose produite. Il semblerait que cette augmentation de quantité pouvant n’être pas suivie<br />

d’une augmentation de besoin de la part des consommateurs, il pourrait en résulter un<br />

avilissement du produit qui en ferait tomber le prix courant au-dessous des frais de<br />

production, tout amoindris qu’ils pourraient être. Crainte chimérique ! La moindre baisse<br />

d’un produit étend tellement la classe de ses consommateurs, que toujours, à ma<br />

connaissance, la demande a surpassé ce que les mêmes fonds productifs, même<br />

perfectionnés, pouvaient produire ; et qu’il a toujours fallu, à la suite des perfectionnements<br />

qui ont accru la puissance des services productifs, en consacrer de nouveaux à la confection<br />

des produits qui avaient baissé de prix.<br />

C’est le phénomène que nous a déjà présenté l’invention de l’imprimerie. Depuis qu’on a<br />

trouvé cette manière expéditive de multiplier les copies d’un même écrit, chaque copie<br />

coûte vingt fois moins qu’une copie manuscrite ne coûtait. Il suffirait, pour que la valeur de<br />

la demande s’élevât à la même somme, que le nombre de livres fût seulement vingtuple de<br />

ce qu’il était. Je croirais être fort en deçà de la vérité en disant qu’il a centuplé.<br />

De sorte que là où il y avait un volume valant 60 francs, valeur d’aujourd’hui, il y en a<br />

cent qui, étant vingt fois moins chers, valent néanmoins 300 francs. La baisse des prix, qui<br />

procure un enrichissement réel, n’occasionne donc pas une diminution, même nominale, des<br />

richesses 294 .<br />

Par la raison contraire, un renchérissement réel, provenant toujours d’une moins grande<br />

quantité de choses produites au moyen des mêmes frais de production (outre qu’il rend les<br />

objets de consommation plus chers par rapport aux revenus des consommateurs, et par<br />

293 Je trouve dans les Recherches de Dupré de Saint-Maur qu’en 1342 un bœuf se vendait 10 à 11 livres<br />

tournois. Cette somme contenait alors 7 onces d’argent fin, qui avaient à peu près la même valeur que 42 onces<br />

de nos jours. Or, 42 onces, exprimées en notre monnaie, valent 245 francs, prix au-dessous de celui que vaut<br />

maintenant un bœuf ordinaire. Un bœuf qu’on achète maigre, en Poitou, 300 francs, après avoir été engraissé<br />

dans la Basse-Normandie, se vend, à Paris, de 450 à 500 francs. La viande de boucherie a donc augmenté de prix<br />

depuis le XIVe siècle, et probablement aussi plusieurs autres denrées alimentaires, mais non pas celles<br />

probablement qui composent le fond de la nourriture du peuple ; car la population s’est accrue.<br />

294 Nous avons trop peu de données sur la quantité de marchandises produites dans les temps antérieurs, pour<br />

pouvoir en déduire un résultat précis ; mais ceux qui ont quelques notions en ce genre savent que le résultat ne<br />

peut différer que du plus au moins. Nos descendants, au moyen des recherches statistiques de notre siècle,<br />

pourront donner quelques résultats plus positifs, qui ne rendront pas les principes plus indubitables.

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