Traité d'économie politique - Institut Coppet
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puissants, la chose produite augmente toujours en quantité, à mesure qu’elle diminue en<br />
valeur. On verra tout à l’heure les conséquences qui dérivent de cette circonstance 292 .<br />
La baisse réelle peut être générale, et affecter tous les produits à la fois, comme elle peut<br />
être partielle, et n’affecter que certaines choses seulement. C’est ce que je tâcherai de faire<br />
comprendre par des exemples.<br />
Je supposerai que, dans le temps qu’on était obligé de faire des bas à l’aiguille, une paire<br />
de bas de fil, d’une qualité donnée, revenait au prix que nous désignons maintenant par six<br />
francs la paire. Ce serait pour nous la preuve que les revenus fonciers de la terre où le lin<br />
était recueilli, les profits de l’industrie et des capitaux de ceux qui le cultivaient, les profits<br />
de ceux qui le préparaient et le filaient, les profits enfin de la personne qui tricotait les bas,<br />
s’élevaient en somme totale à six francs pour chaque paire de bas.<br />
On invente le métier à bas : Dès lors je suppose qu’on obtient pour six francs deux paires<br />
de bas au lieu d’une. Comme la concurrence fait baisser le prix courant au niveau des frais<br />
de production, ce prix est une indication que les frais causés par l’emploi du fonds, des<br />
capitaux et de l’industrie nécessaires pour faire deux paires de bas, ne sont encore que de<br />
six francs. Avec les mêmes moyens de production, on a donc obtenu deux choses au lieu<br />
d’une.<br />
Et ce qui démontre que cette baisse est réelle, c’est que tout homme, quelle que soit sa<br />
profession, peut acheter une paire de bas en donnant moitié moins de ses services<br />
productifs. En effet, un capitaliste qui avait un capital placé à cinq pour cent, était obligé,<br />
lorsqu’il voulait acheter une paire de bas, de donner le revenu annuel de 120 francs : il n’est<br />
plus obligé de donner que le revenu de 60 francs. Un commerçant à qui le sucre revenait à<br />
deux francs la livre, était obligé d’en vendre trois livres pour acheter une paire de bas : il<br />
n’est plus obligé d’en vendre qu’une livre et demie ; il n’a par conséquent fait le sacrifice<br />
que de la moitié des moyens de production qu’il consacrait auparavant à l’achat d’une paire<br />
de bas.<br />
Jusqu’à présent c’est le seul produit qui, dans notre hypothèse, a baissé. Faisons une<br />
supposition pareille pour le sucre. On perfectionne les relations commerciales, et une livre<br />
de sucre ne coûte plus qu’un franc au lieu de deux. Je dis que tous les acheteurs de sucre, en<br />
y comprenant même le fabricant de bas, dont les produits ont baissé aussi, ne seront plus<br />
obligés de consacrer à l’achat d’une livre de sucre, que la moitié des services productifs par<br />
le moyen desquels ils achetaient le sucre auparavant.<br />
Il est aisé de s’en convaincre. Lorsque le sucre était à deux francs la livre et les bas à six<br />
francs, le fabricant de bas était obligé de vendre une paire de bas pour acheter trois livres de<br />
sucre ; et comme les frais de production de cette paire de bas avaient une valeur de six<br />
francs, il achetait donc en réalité trois livres de sucre au prix de six francs de services<br />
productifs, tout comme le négociant achetait une paire de bas au prix de trois livres de<br />
sucre, c’est-à-dire de six francs de services productifs également. Mais quand l’une et<br />
l’autre denrée ont baissé de moitié, il n’a plus fallu qu’une paire, c’est-à-dire une dépense<br />
292 Depuis une centaine d’années, les progrès de l’industrie, dus au progrès de l’intelligence humaine, et surtout<br />
à une connaissance plus exacte de la nature, ont procuré aux hommes d’immenses économies dans l’art de<br />
produire ; mais en même temps les hommes ont été trop retardés dans les sciences morales et <strong>politique</strong>s, et<br />
surtout dans l’art de l’organisation des sociétés, pour tirer parti, à leur profit, de ces découvertes. On aurait tort<br />
de croire néanmoins que les nations n’en ont nullement profité. Elles paient, à la vérité, des contributions<br />
doubles, triples, quadruples, de ce qu’elles payaient ; mais cependant la population de tous les États de l’Europe<br />
s’est accrue ; ce qui prouve qu’une partie du moins de cet accroissement de produit a tourné au profit des<br />
peuples ; et non seulement la population s’est accrue, mais l’on est généralement mieux pourvu, mieux logé,<br />
mieux vêtu, et, je crois, moins frugalement nourri, qu’on ne l’était il y a un siècle.