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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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le verra dans cet ouvrage, mais qui, poussé jusqu’à ses dernières conséquences, aurait pu<br />

mettre Galiani sur la voie de découvrir et d’expliquer complètement le phénomène de la<br />

production. Smith, qui était vers le même temps professeur à Glascow, et qui enseignait la<br />

doctrine qui depuis lui a acquis tant de célébrité, n’avait probablement pas connaissance<br />

d’un livre italien publié à Naples par un jeune homme alors sans nom, et qu’il n’a point cité.<br />

Mais en eût-il eu connaissance, une vérité n’appartient pas à celui qui la trouve, mais à celui<br />

qui la prouve, et qui sait en voir les conséquences. Kepler et Pascal avaient deviné la<br />

gravitation universelle, et la gravitation n’en appartient pas moins à Newton 16 .<br />

En Espagne, Alvarez Osorio et Martinez De Mata ont fait des discours économiques dont<br />

la publication est due au patriotisme éclairé de Campomanes. Moncada, Navarrete, Ustariz,<br />

Ward, Ulloa, ont écrit sur le même sujet. Ces estimables écrivains, comme ceux d’Italie, ont<br />

eu des pensées solides, ont constaté des faits importants, ont fourni des calculs élaborés ;<br />

mais, faute de pouvoir s’appuyer sur les principes fondamentaux de la science qui n’étaient<br />

pas connus encore, ils se sont mépris souvent sur le but et sur les moyens, et, à travers<br />

17<br />

beaucoup d’inutilités, n’ont répandu qu’une lumière incertaine et trompeuse .<br />

En France, on ne considéra d’abord l’économie <strong>politique</strong> que sous le rapport des finances<br />

publiques. Sully dit bien que l’agriculture et le commerce sont les deux mamelles de l’état,<br />

mais vaguement et par un sentiment confus. On peut faire la même observation sur Vauban,<br />

esprit juste et droit, philosophe à l’armée, et militaire ami de la paix, qui, profondément<br />

affligé des maux où la vaine grandeur de Louis XIV avait plongé la France, proposa des<br />

moyens de soulager les peuples par une répartition plus équitable des charges publiques.<br />

Sous l’influence du régent, toutes les idées se brouillèrent ; les billets de la banque, où<br />

l’on croyait voir une source inépuisable de richesses, ne furent qu’un moyen de dévorer des<br />

capitaux, de dépenser ce qu’on ne possédait pas, de faire banqueroute de ce qu’on devait.<br />

La modération et l’économie furent tournées en ridicule. Les courtisans du prince, moitié<br />

par persuasion, moitié par perversité, l’excitaient à la profusion. C’est là que fut réduite en<br />

système cette maxime que le luxe enrichit les états : on mit du savoir et de l’esprit à soutenir<br />

ce paradoxe en prose ; on l’habilla en beaux vers ; on crut de bonne foi mériter la<br />

reconnaissance de la nation en dissipant ses trésors. L’ignorance des principes conspira avec<br />

la dissolution du duc d’Orléans pour ruiner l’état. La France se releva un peu sous la longue<br />

paix maintenue par le cardinal de Fleury, ministre faible pour le mal comme pour le bien, et<br />

la peinture, la sculpture, la gravure, etc., mais encore dans les produits de la nature, les minéraux, les pierres, les<br />

arbres des forêts, la valeur des choses est due uniquement au travail. La quantité de la matière n’influe sur la<br />

valeur de ces choses qu’autant qu’elle a exigé un travail plus ou moins grand. »<br />

Galiani, dans le même chapitre, dit aussi que l’homme, c’est-à-dire son travail, est la seule bonne mesure des<br />

valeurs. C’est encore un principe, et, selon moi, une erreur de Smith ; il entre autre chose encore que du travail<br />

humain dans la création des valeurs.<br />

16 Ce même Galiani, dans le même ouvrage, dit que ce qui est gagné par les uns est nécessairement perdu par<br />

les autres ; il montre en cela qu’un écrivain, même très ingénieux, peut ne pas savoir tirer les conséquences les<br />

plus simples, et peut passer à côté d’une vérité sans l’apercevoir ; car, s’il peut y avoir de la richesse créée par le<br />

travail, il peut donc y avoir dans le nombre une richesse nouvelle qui n’est prise à personne. Galiani, dans ses<br />

Dialogues sur le commerce des grains, faits en France longtemps après, a prononcé lui-même sa condamnation<br />

d’un ton qui lui était propre. « Une vérité, dit-il, que le pur hasard fait naître comme un champignon dans un pré,<br />

n’est bonne à rien : on ne la sait pas employer si on ne sait d’où elle vient, où elle va, comment et de quelle<br />

chaîne de raisonnements elle dérive. »<br />

17 Dans l’impossibilité où je suis de juger par moi-même du mérite de ceux de ces écrivains qui n’ont pas été<br />

traduits, j’ai dû m’en rapporter à ce qu’en dit l’un des traducteurs de mon Traité en espagnol, don Jose Queypo,<br />

dont je n’ai fait que copier ici les expressions.

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