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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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pieds six pouces en France. Si l’on me dit que la grande pyramide de Ghizé a cent toises de<br />

largeur à sa base, je peux à Paris mesurer un espace de cent toises, et me former une idée<br />

exacte de cette base ; mais si l’on me dit qu’un chameau vaut au Caire 50 sequins, qui font<br />

environ 2, 500 grammes d’argent, ou 500 francs, je n’ai pas une idée précise de la valeur de<br />

ce chameau, parce que les 500 francs d’argent valent indubitablement moins à Paris qu’au<br />

Caire, sans que je puisse dire d combien ils sont inférieurs en valeur.<br />

Tout ce qu’on peut faire se réduit donc à comparer entre elles les valeurs de différentes<br />

choses, c’est-à-dire à déclarer que celle-ci vaut autant, ou plus, ou moins que celle-là, dans<br />

le moment et au lieu où l’on est, sans pouvoir déterminer quelle est absolument la valeur<br />

des unes et des autres. On dit qu’une maison vaut 20000 francs ; mais quelle idée de valeur<br />

me donne une somme de 20000 francs L’idée de tout ce que je peux acheter pour ce prix ;<br />

et quelle idée de valeur me donnent toutes ces choses achetées pour ce prix L’idée d’une<br />

valeur égale à celle de cette maison, mais non l’idée d’aucune grandeur de valeur fixe qui<br />

soit indépendante de la valeur comparée de ces choses.<br />

Quand on compare deux choses d’inégale valeur à diverses fractions d’un produit de<br />

même nature, on ne fait encore qu’évaluer le rapport de leur valeur. Quand on dit : cette<br />

maison vaut 20000 francs, et cette autre vaut 10000 francs, la phrase au fond ne dit autre<br />

chose que : cette maison vaut deux fois autant que celle-là. Comme on les compare l’une et<br />

l’autre à un produit qui peut se partager en plusieurs portions égales (à une somme<br />

d’argent), on peut plus aisément, à la vérité, se faire une idée du rapport de valeur des deux<br />

maisons, parce que l’esprit saisit avec facilité le rapport de 20000 unités avec 10000 unités ;<br />

mais on ne peut, sans tourner dans un cercle vicieux, dire ce que vaut chacune de ces uités.<br />

Qu’on appelle cela mesurer, j’y consens ; mais je ferai remarquer que la même propriété<br />

se rencontre dans toute autre marchandise divisible, quoiqu’elle ne remplisse pas l’office de<br />

la monnaie. On aura la même idée du rapport qui existe entre la valeur des deux maisons,<br />

lorsqu’on dira : l’une vaut mille hectolitres de froment, et l’autre n’en vaut que cinq cents.<br />

Cette matière une fois comprise, j’observerai que la mesure commune de deux valeurs (si<br />

on lui accorde ce nom) ne donne aucune idée du rapport de ces deux valeurs, pour peu<br />

qu’elles soient séparés par quelque distance ou par quelque espace de temps ; 20000 francs<br />

ou mille hectolitres de froment, ne peuvent me servir pour comparer la valeur d’une maison<br />

d’autrefois à celle d’une maison d’à présent, parce que la valeur des écus et du froment<br />

n’est plus rigoureusement à présent ce qu’elle était autrefois.<br />

Une maison à Paris, de 10000 écus, au temps de Henri Iv, valait bien plus qu’une maison<br />

qui vaudrait à présent 10000 écus. Une maison de 20000 francs en basse-Bretagne, a plus de<br />

valeur qu’une maison de 20000 francs à Paris ; de même qu’un revenu de 10000 francs en<br />

basse-Bretagne, est bien plus considérable qu’un revenu de pareille somme à Paris.<br />

C’est ce qui rend impossible la comparaison qu’on a quequefois tenté de faire des<br />

richesses de deux époques ou de deux nations différentes. Ce parallèle est la quadrature du<br />

cercle de l’économie <strong>politique</strong>, parce qu’il n’y a point de mesure commune pour l’établir.<br />

L’argent, et même la monnaie, de quelque matière qu’elle soit composée, n’est qu’une<br />

marchandise dont la valeur est variable, comme celle de toutes les marchandises, et se règle<br />

à chaque marché qu’on fait, par un accord entre le vendeur et l’acheteur. L’argent vaut plus<br />

quand il achète beaucoup de marchandises que lorsqu’il en achète peu. Il ne peut donc faire<br />

les fonctions d’une mesure, qui consiste à conserver l’idée d’une grandeur. Ainsi, lorsque<br />

Montesquieu a dit en parlant des monnaies : « Rien ne doit être si exempt de variations que<br />

ce qui doit être la mesure commune de tout 262 », il a renfermé trois erreurs en deux lignes.<br />

262 Esprit des Lois, livre XXII, chap. 3.

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