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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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Cette première erreur a été le fondement d’une autre erreur souvent reproduite. De ce<br />

que la monnaie était le signe de toutes les valeurs, on a conclu que les monnaies<br />

représentaient toutes les marchandises, et que leur valeur totale en chaque pays égalait la<br />

valeur totale de tous es autres biens : opinion qui reçoit une apparence de vraisemblance de<br />

ce que la valeur relative de la monnaie diminue quand sa masse va en augmentant, et de ce<br />

qu’elle augmente quand sa masse diminue.<br />

Mais qui ne voit que cette variation a lieu de même pour toutes les autres marchandises<br />

qui ne sont évidemment pas des signes Quand la récolte du vin a été double dans une<br />

certaine année, son prix tombe à moitié de ce qu’il était l’année précédente ; par une raison<br />

semblable, on peut supposer que, si la masse des espèces qui circulent venait à doubler, le<br />

prix de toutes choses doublerait, c’est-à-dire que pour avoir le même objet il faudrait donner<br />

le double d’argent. Or, cet effet n’indique pas plus que la valeur totale de l’argent est<br />

toujours égale à la valeur totale des autres richesses, qu’il n’indique que la valeur totale des<br />

vins est égale à toutes les autres valeurs réunies. La variation survenue dans la valeur de<br />

l’argent et du vin, dans les deux suppositions, est une conséquence du rapport de ces<br />

denrées avec elles-mêmes, et non de leur rapport avec la quantité des autres denrées.<br />

Nous avons déjà vu que la valeur totale de la monnaie d’un pays, même en y ajoutant la<br />

valeur de tous les métaux précieux qu’il renferme, est peu de chose, comparée avec la<br />

masse entière de ses valeurs. La valeur représentée serait donc supérieure au signe qui la<br />

représente, et le signe ne suffirait point pour se procurer la chose signifiée 260 .<br />

C’est avec aussi peu de fondement que Montesquieu prétend que le prix des choses<br />

dépend du rapport qu’il y a entre la quantité totale des denrées et la quantité totale des<br />

monnaies<br />

261<br />

. Un vendeur et un acheteur savent-ils ce qui existe d’une denrée qu’on ne met<br />

pas en vente Et quand ils le sauraient, cela changerait-il, relativement à cette même<br />

denrée, quelque chose à la quantité offerte et à la quantité demandée Toutes ces opinions<br />

naissent évidemment de l’ignorance où l’on a été, jusqu’à notre temps, de la nature des<br />

choses et de la marche des faits dans ce qui tient à l’économie <strong>politique</strong>.<br />

Avec un peu plus d’apparence de raison, mais non pas avec plus de fondement on a<br />

nommé le numéraire, ou la onnaie, une mesure des valeurs. On peut apprécier la valeur des<br />

choses ; on ne peut pas la mesurer, c’est-à-dire la comparer avec un type invariable et<br />

connu, parce qu’il n’y en a point.<br />

C’est de la part de l’autorité une entreprise insensée que de vouloir fixer une unité de<br />

valeur pour déterminer quelle est la valeur des choses. Elle peut commander que Charles,<br />

possesseur d’un sac de blé, le donne à Martial pour 24 francs ; mais elle peut commander<br />

de même que Charles le donne pour rien. Par cette ordonnance, elle aura peut-être dépouillé<br />

Charles au profit de Martial ; mais elle n’aura pas plus établi que 24 francs soient la mesure<br />

de la valeur d’un sac de blé, qu’elle n’aurait établi qu’un sac de blé n’a point de valeur, en<br />

forçant son possesseur à le donner pour rien.<br />

Une toise ou un mètre sont de véritables mesures, parce qu’elles présentent toujours à<br />

l’esprit l’idée d’une même grandeur. Fussé-je au bout du monde, je suis certain qu’un<br />

homme de cinq pieds six pouces (mesure de France) a la même taille qu’un homme de cinq<br />

260 On ne peut tirer avantage de ce qu’on joint à la valeur de la monnaie celle des papiers de crédit. L’agent de<br />

la circulation, qu’il soit sous forme d’espèces ou sous forme de papier de crédit, n’excède jamais en valeur les<br />

besoins de la circulation. Quand la masse de la monnaie, de métal ou de papier, vient à augmenter, sa valeur<br />

diminue de manière à n’acheter toujours que la même quantité de marchandises, et la valeur que la circulation<br />

emploie comme agent de circulation, est toujours peu de chose, comparée avec l’ensemble des valeurs d’un pays.<br />

Voyez ci-après ce qui a rapport aux billets de banque.<br />

261 Esprit des Lois, livre XXII, chap. 7.

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