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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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illusoire qu’on n’exécute pas. Le gouvernement autorise alors à acquitter en papier-monnaie<br />

les engagements contractés en espèces ; mais c’est autoriser une violation de foi ; et, sous ce<br />

rapport, une monnaie de papier peut passer pour le dernier terme de l’altération des<br />

monnaies.<br />

Il semble qu’une monnaie de cette espèce, ne tirant aucune valeur de la matière dont elle<br />

est faite, ni d’un remboursement dont l’époque est indéfinie, et qui par conséquent n’engage<br />

à rien, ne devrait avoir aucune valeur, et qu’avec un tel papier, quelle que fût la somme qui<br />

s’y trouvât spécifiée, on ne devrait pouvoir rien acheter. L’expérience prouve le contraire, et<br />

il s’agit d’expliquer cet effet au moyen de la connaissance que nous pouvons avoir acquise<br />

de la nature et de l’usage des monnaies.<br />

Le gouvernement, en autorisant les débiteurs à s’acquitter avec du papier, en recevant<br />

lui-même ce papier de la main de ses débiteurs et de ses contribuables, lui confère déjà une<br />

certaine valeur en lui assignant des usages qui dépendent de l’autorité publique, soit qu’elle<br />

fasse ou non un usage légitime de laforce ; mais ce n’est pas tout. Le nombre des unités<br />

monétaires devient nécessairement plus considérable ; car en jetant dans la circulation un<br />

papier non remboursable, cumulativement avec les espèces qui s’y trouvaient déjà, la masse<br />

des monnaies, de cette marchandise, papier ou métal, propre à servir d’intermédiaire dans<br />

les échanges, est augmentée, et, par une loi constante que j’ai essayé d’expliquer au chapitre<br />

23, la valeur de chaque unité décline dans la même proportion, jusqu’à ce que les pièces de<br />

monnaie métallique tombent à un taux inférieur à celui de la même quantité de métal en<br />

lingots ; de là la fusion ou l’exportation des monnaies métalliques 251 . Le papier-monnaie<br />

seul reste ; et comme dans une société avancée en civilisation, où la production est en pleine<br />

activité et la consommation considérable, un pareil instrument est d’un usage indispensable,<br />

le besoin qu’on a de celui-ci fait qu’on le reçoit à défaut d’un autre.<br />

Remarquons que ce n’est pas la confiance qu’on a dans le remboursement d’un papiermonnaie<br />

qui fait qu’on l’accepte en paiement ; car on sait qu’il n’existe aucun bureau ouvert<br />

pour le rembourser. Sa valeur (car il en a, puisque l’on consent à donner des valeurs très<br />

réelles en échange d’un papier-monnaie) lui vient uniquement de la possibilité que chacun<br />

croit avoir, de le donner en paiement dans les achats qu’on se propose de faire. Or, cette<br />

valeur qui lui est propre, qui naît de l’office qu’il remplit en fait une véritable monnaie, et<br />

non le signe représentatif d’une monnaie qu’il est incapable de procurer. Les personnes qui<br />

ont des achats à faire n’ont pas de meilleure monnaie à offrir ; les personnes qui ont besoin<br />

de vendre en demanderaient en vain une autre. Leurs besoins réciproques suffisent pour<br />

faire circuler celle-là, pourvu que chacun puisse se flatter de la placer à peu près au même<br />

251 La différence qui s’établit entre la valeur du papier-monnaie dans l’intérieur où il a des usages, et sa valeur<br />

au-dehors où il n’est bon à rien, est le fondement des spéculations qui se sont faites, et des fortunes qui ont été<br />

acquises à toutes les époques où il y a eu un papier-monnaie.<br />

En 1811, avec cent guinées en or, on pouvait acheter à Paris une lettre de change sur Londres, de 140 livres<br />

sterling, c’est-à-dire qu’on y pouvait acheter pour 140 livres sterling de papier-monnaie anglais, puisque les<br />

lettres de change étaient acquittées en papier-monnaie (bank notes). Or, ces mêmes cent guinées, ou un lingot<br />

équivalent, n’avaient coûté, à Londres, que 120 livres sterling en papier-monnaie. C’est ainsi qu’il faut entendre<br />

cette expression, que le papier-monnaie anglais avait plus de valeur en Angleterre qu’à l’étranger.<br />

Aussi, d’après des relevés qui ont été faits à Dunkerque, pendant les années 1810, 1811, 1812 et 1813, il est<br />

entré en fraude, par les seuls ports de Dunkerque et Gravelines, des guinées, ou lingots d’or, pour une somme de<br />

182 124444 francs.<br />

La même spéculation se faisait avec toutes sortes de marchandises, mais moins facilement qu’avec l’or, parce<br />

que si la sortie de l’Angleterre en était favorisée, l’introduction en fraude sur le continent en était fort difficile.<br />

Quoi qu’il en soit, la demande que cela occasionnait sur le continent des lettres de change sur Londres, en<br />

aurait bien vite fait remonter la valeur au pair de ce qu’elles valaient en Angleterre, si les agents chargés de payer<br />

les subsides anglais à leurs alliés sur le continent n’avaient pas eu constamment des traites à fournir sur Londres.

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