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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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grand nombre de livres. Mais ce moyen, toujours odieux, même lorsqu’il ne fait réellement<br />

pas payer davantage, était quelquefois impraticable. Alors on revenait à ce qu’on appelait la<br />

forte monnaie. La livre contenant un plus grand poids d’argent, les peuples, en payant le<br />

même nombre de livres, donnaient en effet plus d’argent 243 . Aussi voyons-nous que les<br />

augmentations de métal fin contenu dans les monnaies, datent à peu près de la même<br />

époque que l’établissement des impôts permanens. Auparavant, les rois n’avaient pas<br />

d’intérêt à accroître la valeur intrinsèque des pièces qu’ils frappaient.<br />

On se tromperait, si l’on supposait que, dans l’exécution, ces nombreuses variations dans<br />

la quantité de métal fin contenue dans les monnaies, fussent aussi simples, aussi claires que<br />

je les présente ici pour la commodité du lecteur. Quelquefois l’altération n’était pas avouée,<br />

et on la cachait le plus longtemps qu’on pouvait ; de là le jargon barbare adopté dans ce<br />

genre de manufacture<br />

244<br />

. D’autres fois on altérait une espèce de monnaie et l’on ne<br />

changeait rien aux autres ; à la même époque, la livre représentée par certaines pièces de<br />

monnaie contenait plus d’argent fin que la livre représente par d’autres pièces. Enfin<br />

presque toujours, pour rendre la matière plus obscure, on obligeait les particuliers à compter<br />

tantôt par livres et par sous, tantôt par écus, et à payer en pièces qui n’étaient ni des livres,<br />

ni des sous, ni des écus, mais seulement des fractions ou des multiples de ces monnaies de<br />

compte. Il est impossible de voir dans tous les princes qui ont eu recours à ces misérables<br />

ressources, autre chose que des faussaires armés de la puissance publique.<br />

On comprend le tort qui devait en résulter pour la bonne foi, pour l’industrie, pour toutes<br />

les sources de la prospérité ; il a été tel, qu’à plusieurs époques de notre histoire, les<br />

opérations monétaires ont mis complètement en fuite toute espèce de commerce. Philippe<br />

Le Bel fit déserter nos foires par tos les marchands étrangers en les forçant à recevoir en<br />

paiement sa monnaie décriée, et en leur défendant de contracter en une monnaie qui leur<br />

inspirait plus de confiance<br />

245 . Philippe De Valois fit de même à l’égard des monnaie d’or.<br />

Pareil effet s’ensuivit. Un historien de son temps 246<br />

dit que presque ousles machands<br />

étrangers cessèrent de venir trafiquer dans le royaume ; que les français mêmes, ruinés par<br />

ces fréquens changements dans les monnaies et l’incertitude de leurs valeurs, se retirèrent<br />

en d’autres pays ; et que les autres sujets du roi, nobles et bourgeois, ne se trouvèrent pas<br />

moins appauvris que les marchands ; ce qui faisait, ajoute l’historien, que le roi n’était pas<br />

du tout aimé.<br />

J’ai puisé mes exemples dans les monnaies françaises ; les mêmes altérations ont eu lieu<br />

chez presque tous les peuples anciens et modernes. Les gouvernements populaires n’ont pas<br />

agi mieux que les autres. Les Romains, dans les plus belles époques de leur liberté, firent<br />

banqueroute en changeant la valeur intrinsèque de leurs monnaies. Dans la première guerre<br />

punique, l’as, qui devait être de douze onces de cuivre, n’en pesa plus que deux ; et dans la<br />

247<br />

seconde, il ne fut plus que d’une .<br />

243 C’est ce qu’avait déjà fait à Rome l’empereur Héliogabale, noté dans l’histoire pour ses épouvantables<br />

profusions. Les citoyens romains devant payer, non un certain poids en or, mais un certain nombre de pièces d’or<br />

(aurei), l’empereur, pour recevoir davantage, en fit fabriquer qui pesaient jusqu’à 2 livres (24 onces). Le<br />

vertueux Alexandre Sévère, animé par des motifs opposés, les réduisit de beaucoup.<br />

244 Philippe de Valois, dans le mandement qu’il adressa aux officiers des monnaies, en 1350, leur ordonne le<br />

secret sur l’affaiblissement des monnaies, et le leur fait jurer sur l’Évangile, afin que les marchands y soient<br />

trompés. « Faites savoir aux marchands, dit-il, le cours du marc d’or de la bonne manière, en sorte qu’ils ne<br />

s’aperçoivent qu’il y a mutation de pied. » On voit, sous le roi jean, plusieurs exemples semblables. (LE<br />

BLANC, Traité historique des Monnaies, p. 251.)<br />

245 Le Blanc, Traité historique des Monnaies, page 27.<br />

246 Mathieu Villani.<br />

247 Montesquieu, Esprit des Lois, livre XXII, ch. 11.

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