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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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d’autres défenseurs que ceux à qui elles offrent des places lucratives à donner et à recevoir,<br />

le tout aux dépens des peuples 214 .<br />

Lorsque Poivre fut nommé intendant de l’Ile-De-France, cette colonie était fondée depuis<br />

cinquante ans seulement, et il se convainquit que sa conservation avait déjà coûté à la<br />

France 60 millions, continuait de lui occasionner de grandes dépenses, et ne lui rapportait<br />

215<br />

absolument rien .<br />

Il est vrai que les sacrifices qu’on avait faits alors, et qu’on a faits depuis pour conserver<br />

l’Ile-De-France, avaient aussi pour but de conserver les établissements des Indes orientales ;<br />

mais quand on saura que ceux-ci ont coûté encore bien davantage, soit au gouvernement,<br />

soit aux actionnaires de l’ancienne et de la nouvelle compagnie, alors on sera forcé de<br />

conclure qu’on a payé cher à l’Ile-De-France l’avantage de faire de grosses pertes au<br />

Bengale et au Coromandel.<br />

On peut appliquer le même raisonnement aux positions purement militaires qu’on a<br />

prises dans les trois autres parties du monde. En effet, si l’on prétendait que tel<br />

établissement a été conservé à grands frais, non pour en tirer du profit, mais pour étendre et<br />

assurer la puissance de la métropole, on peut de même répondre : cette puissance n’est utile,<br />

eercée au loin, que pour assurer la possession des colonies ; et si les colonies elles-mêmes<br />

ne sont pas un avantage, pourquoi en achèterait-on si chèrement la conservation 216 <br />

La perte que l’Angleterre a faite de ses colonies de l’Amérique septentrionale a été un<br />

gain pour elle. C’est un fait que je n’ai vu contesté nulle part<br />

217 . Or, pour tenter de les<br />

conserver, elle a supporté, pendant la guerre d’Amérique, une dépense extraordinaire et<br />

inutile de plus de dix-huit cents millions de francs. Quel déplorable calcul ! Elle pouvait<br />

faire le même gain, c’est-à-dire rendre ses colonies indépendantes, ne pas dépenser un sou<br />

pour cela, épargner le sang de ses braves, et se donner, aux yeux de l’Europe et de l’histoire,<br />

les honneurs de la générosité 218 .<br />

214 Arthur Young (Voyage en France, tome 1, page 436) a fait en 1789 un calcul qui prouve que si la France<br />

avait, depuis vingt-cinq ans en arrière, consacré les millions qu’elle a employés pour conserver ses colonies des<br />

Antilles à fertiliser les provinces incultes de France qui sont susceptibles de donner de riches produits, telles que<br />

le Bourbonnais et la Sologne, elle en retirerait un produit annuel décuple de celui que fournissent ses îles. il en<br />

conclut que ce serait un grand ami des Français que celui qui les débarrasserait de ces colonies ; comme ce serait,<br />

ajoute-t-il, un grand bonheur pour l’Angleterre que les nègres se rendissent indépendants à la Jamaïque et dans<br />

les autres îles anglaises.<br />

215 Voyez les Œuvres de Poivre, page 209 ; et encore il ne comprend pas là-dedans l’entretien des forces<br />

maritimes et militaires de la France elle-même, dont une partie au moins devait être mise sur le compte de cette<br />

colonie.<br />

216 Voyez dans les Œuvres de Franklin (tome 11, page 50) ce qu’en pensait cet homme célèbre, qui était si<br />

versé dans ces matières. Je lis, dans un Voyage de lord Valentia, que l’établissement du cap de Bonne-Espérance<br />

coûtait annuellement aux Anglais, en 1802, six à sept millions de francs au-delà de ce qu’il rapportait.<br />

217 « Bristol était le principal entrepôt du commerce avec l’Amérique du Nord. Les négociants et les principaux<br />

habitants se réunirent pour déclarer au parlement, de la manière la plus énergique, que leur cité était ruinée à<br />

jamais si l’indépendance des États-Unis était reconnue, ajoutant qu’il n’entrerait plus dans leur port assez de<br />

vaisseaux pour qu’il valût la peine de l’entretenir. Malgré ces représentations, la nécessité força de conclure la<br />

paix, et de consentir à cette séparation si redoutée. Dix ans n’étaient pas écoulés, que les mêmes négociants de<br />

Bristol s’adressaient au parlement pour demander un bill qui les autorisât à creuser et agrandir ce port, qui, loin<br />

d’être devenu désert, comme ils le craignaient, ne se trouvait plus assez grand pour contenir tous les navires que<br />

l’extension du commerce avec l’Amérique indépendante y amenait. » DE LÉVIS, Lettres chinoises.<br />

218 Il faut appliquer, avec quelque restriction, ce que je dis ici des colonies à celles des Anglais dans l’Inde,<br />

parce que les Anglais n’y sont pas de simples colons ; ils y sont souverains de soixante millions d’Indous, et<br />

profitent des tributs que ces Indous paient comme sujets ; mais ces profits ne sont pas si considérables qu’on le<br />

croit, parce qu’il faut en déduire les frais d’administration et de défense de ces vastes États. Colquhoun (A<br />

Treatise on the wealth of the british Empire), qui, généralement, exagère les ressources de l’Angleterre, donne<br />

un tableau qui porte les contributions payées au gouvernement

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