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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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soutiennent avec l’opiniâtreté de la sottise, c’est-à-dire, avec la crainte d’être convaincus,<br />

plutôt qu’avec le désir d’arriver au vrai.<br />

Ainsi, établissez sur l’ensemble des phénomènes de la production et sur l’expérience du<br />

commerce le plus relevé, que les communications libres entre les nations sont mutuellement<br />

avantageuses, et que la manière de s’acquitter envers l’étranger qui convient le mieux aux<br />

particuliers, est aussi celle qui convient le mieux aux nations : les gens à vues étroites et à<br />

présomption large vous accuseront de système. Questionnez-les sur leurs motifs : ils vous<br />

parleront balance du commerce ; ils vous diront qu’il est clair qu’on se ruine si l’on donne<br />

son numéraire contre des marchandises… et cela même est un système. D’autres vous<br />

diront que la circulation enrichit un état, et qu’une somme d’argent qui passe dans vingt<br />

mains différentes équivaut à vingt fois sa valeur… c’est encore un système. D’autres vous<br />

diront que le luxe est favorable à l’industrie, que l’économie ruine tout commerce… c’est<br />

toujours un système ; et tous diront qu’ils ont les faits pour eux ; semblables à ce pâtre qui,<br />

sur la foi de ses yeux, affirme que le soleil, qu’il voit se lever le matin et se coucher le soir,<br />

parcourt dans la journée toute l’étendue des cieux, et traite en conséquence de rêveries<br />

toutes les lois du monde planétaire.<br />

D’autres personnes habiles dans d’autres sciences, et trop étrangères à celle-ci,<br />

s’imaginent, de leur côté, qu’il n’y a d’idées positives que les vérités mathématiques et les<br />

observations faites avec soin dans les sciences naturelles ; elles s’imaginent qu’il n’y a pas<br />

de faits constants et de vérités incontestables dans les sciences morales et <strong>politique</strong>s ;<br />

qu’elles ne sont point par conséquent de véritables sciences, mais seulement des corps<br />

d’opinions hypothétiques, plus ou moins ingénieux, mais purement individuels. Ces savants<br />

se fondent sur ce qu’il n’y a pas d’accord entre les écrivains qui en traitent, et sur ce que<br />

quelques-uns d’entre eux professent de véritables extravagances. Quant aux extravagances<br />

et aux hypothèses, quelle science n’a pas eu les siennes Y a-t-il beaucoup d’années que les<br />

plus avancées d’entre elles sont dégagées de tout système Que dis-je Ne voit-on pas<br />

encore des cervelles contrefaites en attaquer les bases les plus inébranlables Il n’y a pas<br />

quarante ans qu’on est parvenu à analyser l’eau qui soutient la vie de l’homme, et l’air où il<br />

est perpétuellement plongé ; et tous les jours encore on attaque les expériences et les<br />

démonstrations qui fondent cette doctrine, quoiqu’elles aient été mille fois répétées en<br />

divers pays, et par les hommes les plus instruits et les plus judicieux. Le défaut d’accord<br />

existe sur des faits bien plus simples, bien plus évidents que ne le sont la plupart des faits<br />

moraux. La chimie, la physique, la botanique, la minéralogie, la physiologie, ne sont-elles<br />

pas des champs clos où les opinions viennent se heurter, tout comme dans l’économie<br />

<strong>politique</strong> Chaque parti voit bien les mêmes faits, mais il les classe différemment et les<br />

explique à sa manière ; et remarquez bien qu’on n’observe pas dans ces débats que les vrais<br />

savants soient d’un côté et les charlatans de l’autre : Leibnitz et Newton, Linné et Jussieu,<br />

Priestley et Lavoisier, De Saussure et Dolomieu, étaient tous gens de mérite, et n’ont pu<br />

s’accorder. Les sciences qu’ils ont professées n’existaient-elles pas, parce qu’ils se sont<br />

combattus <br />

De même, les lois générales dont se composent les sciences <strong>politique</strong>s et morales existent<br />

en dépit des disputes. Tant mieux pour qui saura découvrir ces lois par des observations<br />

judicieuses et multipliées, en montrer la liaison, en déduire les conséquences. Elles dérivent<br />

de la nature des choses, tout aussi sûrement que les lois du monde physique ; on ne les<br />

imagine pas, on les trouve ; elles gouvernent les gens qui gouvernent les autres, et jamais on<br />

ne les viole impunément.<br />

Les lois générales qui règlent la marche des choses, se nomment des principes, du<br />

moment qu’il s’agit de leur application ; c’est-à-dire, du moment qu’on s’en sert pour juger

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