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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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et mangeait les meilleurs morceaux, serait-il bien venu à dire aux autres individus de la<br />

même famille : Que vous importe que ce soit vous ou moi qui dépensions Le même revenu<br />

n’est-il pas dépensé Tout cela revient au même…<br />

Ce gain, tout à la fois exclusif et usuraire, procurerait aux compagnies privilégiées des<br />

richesses immenses, s’il était possible que leurs affaires fussent bien gérées ; mais la<br />

cupidité des agents, la longueur des entreprises, l’éloignement des comptables, l’incapacité<br />

des intéressés, sont pour elles des causes sans cesse agissantes de ruine. L’activité et la<br />

clairvoyance de l’intérêt personnel sont encore plus nécessaires dans lesaffaires longues et<br />

délicates que dans toutes les autres ; et quelle surveillance active et clairvoyante peuvent<br />

exercer des actionnaires qui sont quelquefois au nombre de plusieurs centaines, et qui ont<br />

presque tous des intérêts plus chers à soigner 180 <br />

Telles sont les suites des privilèges accordés aux compagnies commerçantes ; et il est à<br />

remarquer que ce sont des conséquences nécessaires, résultant de la nature de la chose,<br />

tellement que certaines circonstances peuvent les modifier, non les détrure. C’est ainsi que<br />

la compagnie anglaise des Indes n’a pas été si mal que les trois ou quatre compagnies<br />

181<br />

françaises qu’on a essayé d’établir à différentes époques ; elle est en même temps<br />

souveraine, et les plus détestables souverainetés peuvent subsister plusieurs siècles ; témoin<br />

celle des mamelucks sur l’égypte.<br />

Quelques autres inconvénients d’un ordre inférieur marchent à la suite des industries<br />

privilégiées. Souvent un privilège exclusif fait fuir et transporte à l’étranger des capitaux et<br />

une industrie qui ne demandaient qu’à se fixer dans le pays. Dans les derniers temps du<br />

règne de Louis XIV, la compagnie des Indes, ne pouvant se soutenir malgré son privilège<br />

exclusif, en céda l’exercice à quelques armateurs de Saint-Malo, moyennant une légère part<br />

dans leur bénéfice. Ce commerce commençait à se ranimer sous l’influence de la liberté, et<br />

l’année 1714, époque où expirait entièrement le privilège de la compagnie, lui aurait donné<br />

toute l’activité que comportait la triste situation de la France ; mais la compagnie sollicita<br />

une prolongation de privilège et l’obtint, tandis que des négociants avaient déjà commencé<br />

des expéditions pour leur compte. Un vaisseau marchand, de Saint-Malo, commandé par un<br />

breton nommé Lamerville, arriva sur les côtes de France, revenant de l’Inde. Il voulut entrer<br />

dans le port ; on lui dit qu’il n’en avait pas le droit, et que ce commerce n’était plus libre. Il<br />

fut contraint de poursuivre son chemin jusqu’au premier port de la Belgique. Il entra dans<br />

celui d’Ostende, où il vendit sa cargaison. Le gouverneur de la Belgique, instruit du profit<br />

immense qu’il avait fait, proposa au même apitaine de retourner dans l’Inde avec des<br />

vaisseaux qu’on équiperait exprès. Lamerville fit en conséquence plusieurs voyages pour<br />

182<br />

différends individus, et ce fut là l’origine de la compagnie d’Ostende .<br />

Nous avons vu que les consommateurs français ne pouvaient que perdre à ce monopole,<br />

et certainement ils y perdirent ; mais du moins les intéressés devaient y gagner : ils y<br />

perdirent aussi, malgré le monopole du tabac et celui des loteries, et d’autres encore que le<br />

183<br />

gouvernement leur accorda . « Enfin, dit Voltaire, il n’est resté aux français, dans l’Inde,<br />

que le regret d’avoir dépensé, pendant plus de quarante ans, des sommes immenses pour<br />

entretenir une compagnie qui n’a jamais fait le moindre profit, qui n’a jamais rien payé aux<br />

180 On se souvient qu’un des directeurs de la compagnie des Indes demandant à La Bourdonnais comment il<br />

avait mieux fait ses affaires que celles de la compagnie, celui-ci répondit : C’est que je règle ce qui me concerne<br />

selon mes lumières, et que je suis obligé de suivre vos instructions pour ce qui concerne la compagnie.<br />

181 Ce fut sous le règne de Henri IV, en 1604, que fut établie en France la première compagnie pour le<br />

commerce des Indes orientales. Elle fut formée par un Flamand nommé Gérard-Leroi, et n’eut pas de succès.<br />

182 Taylor, Lettres sur l’Inde.<br />

183 Raynal, Hist. des étab. des Européens dans les Deux-Indes, livre IV, § 19.

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