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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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de thé que la France n’en peut consommer ou vendre ; ils auraient trop de peur de ne<br />

pouvoir s’en défaire. Or, s’ils n’en achètent pour nous que ce qui s’en achète pour nous par<br />

d’autres négociants, le débit du thé en Chine n’en sera pas augmenté : cette denrée n’y<br />

deviendra pas plus rare. Pour que nos négociants la payassent plus cher, il faudrait qu’elle<br />

renchérît pour les chinois eux-mêmes ; et dans un pays où se vend cent fois plus de thé que<br />

n’en consomment tous les européens ensemble, ce ne serait pas l’enchère de quelques<br />

négociants de France, qui en ferait monter sensiblement le prix.<br />

Mais quand il serait vrai qu’il y eut dans l’orient des sortes de marchandises que la<br />

concurrence européenne pourrait faire renchérir, pourquoi serait-ce un motif d’intervertir, à<br />

l’égard de ces contrées seulement, les règles que l’on suit partout ailleurs Afin de payer<br />

moins cher aux allemands les quincailleries et les merceries que nous leur achetons, donnet-on<br />

à une compagnie le privilège exclusif d’aller les acheter en Allemagne et de les<br />

revendre parmi nous <br />

Si l’on suivait avec l’orient la marche qu’on suit avec toutes les autres contrées<br />

étrangères, le prix de certaines marchandises n’y resterait pas longtemps au-dessus du taux<br />

où les portent naturellement en Asie les frais de leur production ; car ce prix trop élevé<br />

exciteait à les produire, et la concurrence des vendeurs se mettrait bien vite au niveau de<br />

celle des acheteurs.<br />

Supposons néanmoins que l’avantage d’acheter à bon marché fût aussi réel qu’on le<br />

représente ; il faudrait du moins que la nation participât à ce bon prix, et que les<br />

consommateurs nationaux payassent moins cher ce que la compagnie paie moins cher. Or<br />

c’est exactement le contraire qui arrive, et la raison en est simple : la compagnie, qui n’est<br />

réellement pas débarrassée de la concurrence dans ses achats, puisqu’elle a pour concurrens<br />

les autres nations, l’est effectivement dans ses ventes, puisque ses compatriotes ne peuvent<br />

acheter que d’elle les marchandises qui font l’objet de son commerce, et que les<br />

marchandises de même sorte qui pourraient être apportées par des négociants étrangers, sont<br />

écartées par une prohibition. Elle est maîtresse des prix, surtout lorsqu’elle a soin, comme<br />

son intérêt l’y invite, de tenir le marché non complètement approvisionné, understocked,<br />

comme disent les anglais, de manière que, la demande se trouvant un peu supérieure à<br />

l’approvisionnement, la concurrence des acheteurs soutienne le prix de la marchandise 178 .<br />

C’est ainsi que les compagnies, non seulement font un gain usuraire sur le<br />

consommateur, mais qu’elles lui font encore payer les dégâts et les fraudes inévitables dans<br />

une si grande machine, gouvernée par des directeurs et des agents sans nombre, dispersés<br />

179<br />

aux deux bouts de la terre. Le commerce interlope et la contrebande peuvent seuls mettre<br />

des bornes aux énormes abus des compagnies privilégiées ; et, sous ce rapport, le commerce<br />

interlope et la contrebande ne sont pas sans utilité.<br />

Or ce gain, tel qu’il vient d’être analysé, est-il un gain pour la nation qui a une<br />

compagnie privilégiée Nullement : il est en entier levé sur cette nation ; toute la valeur<br />

que le consommateur paie au-delà du prix que coûtent les servics productifs d’une<br />

marchandise, n’est plus une valeur produite ; c’est une valeur dont le gouvernement gratifie<br />

le commerçant aux dépens du consommateur.<br />

Au moins, ajoutera-t-on peut-être, ce gain reste au sein de la nation, et s’y dépense. Fort<br />

bien ; mais qui est-ce qui le dépense Cette question vaut la peine d’être faite. Si dans une<br />

famille un des membres s’emparait du principal revenu, se faisait faire les plus beaux habits<br />

178 On sait que les Hollandais, maîtres du commerce des Moluques, brûlaient une partie des épiceries qui s’y<br />

recueillaient, afin d’en soutenir le prix en Europe.<br />

179 Un commerce interlope est un commerce non permis.

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