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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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Si toutes les professions étaient libres, dira-t-on, un grand nombre de ceux qui les<br />

embrasseraient, écrasés par la concurrence, se ruineraient. Cela pourrait arriver<br />

quelquefois, quoiqu’il fût peu probable qu’un grand nombre de concurrents se<br />

précipitassent dans une carrière où il y aurait peu de chose à gagner ; mais, ce malheur dûtil<br />

arriver de temps en temps, le mal serait moins grand que de soutenir, d’une manière<br />

permanente, le prix des produits à un taux qui nuit à leur consommation, et qui appauvrit,<br />

relativement à ces produits, la masse entière des consommateurs.<br />

Si les principes d’une saine <strong>politique</strong> condamnent les actes de l’administration qui<br />

limitent la faculté que chacun doit avoir de disposer en liberté de ses talents et de ses<br />

capitaux, il est encore plus difficile de justifier de telles mesures en suivant les principes du<br />

droit naturel. « Le patrimoine du pauvre, dit l’auteur de la Richesse des nations, est tout<br />

entier dans la force et l’adresse de ses doigts ; ne pas lui laisser la libre disposition de cette<br />

force et de cette adresse, toutes les fois qu’il ne l’emploie pas au préjudice des autres<br />

hommes, c’est attenter à la plus indisputable des propriétés. »<br />

Cependant, comme il est aussi de droit naturel qu’on soumette à des règles une industrie<br />

qui, sans ces règles, pourrait devenir préjudiciable aux autres citoyens, c’est très justement<br />

qu’on assujettit les médecins, les chirurgiens, les apothicaires, à des épreuves qui sont des<br />

garants de leur habileté. La vie de leurs concitoyens dépend de leurs connaissances : on peut<br />

exiger que leurs connaissances soient constatées ; mais il ne paraît pas qu’on doive fixer le<br />

nombre des praticiens, ni la manière dont ils doivent s’instruire. La société a intérêt de<br />

constater leur capacité, et rien de plus.<br />

Par la même raison, les règlements sont bons et utiles, lorsqu’au lieu de déterminer la<br />

nature des produits et les procédés de leur fabrication, ils se bornent à prévenir une fraude,<br />

une pratique qui nuit évidemment à d’autres productions, ou à la sûreté du public.<br />

Il ne faut pas qu’un fabricant puisse annoncer sur son étiquette une qualité supérieure à<br />

celle qu’il a fabriquée ; sa fidélité intéresse le consommateur indigène à qui le<br />

gouvernement doit sa protection ; elle intéresse le commerce que la nation fait au-dehors,<br />

car l’étranger cesse bientôt de s’adresser à une nation qui le trompe.<br />

Et remarquez que ce n’est point le cas d’appliquer l’intérêt personnel du fabricant,<br />

comme la meilleure des garanties. À la veille de quitter sa profession, il peut vouloir en<br />

forcer les profits aux dépens de la bonne foi, et sacrifier l’avenir dont il n’a plus besoin, au<br />

présent dont il jouit encore. C’est ainsi que dès l’année 1783 les draperies françaises<br />

perdirent toute faveur dans le commerce du levant, et furent supplantées par les draperies<br />

allemandes et anglaises 174 .<br />

Ce n’est pas tout. Le nom seul de l’étoffe, celui même de la ville où une étoffe est<br />

fabriquée, sont souvent une étiquette. On sait, par une longue expérience, que les étoffes qui<br />

viennent de tel endroit ont telle largeur, que les fils de la chaîne sont en tel nombre.<br />

Fabriquer, dans la même ville, une étoffe de même nom, et s’écarter de l’usage reçu, c’est y<br />

mettre une fausse étiquette.<br />

Cela suffit, je crois, pour indiquer jusqu’où peut s’étendre l’intervention utile du<br />

gouvernement. Il doit certifier la vérité de l’étiquette, et, du reste, ne se mêler en rien de la<br />

production. Je voudrais même qu’on ne perdît pas de vue que cette intervention,<br />

quoiqu’utile, est un mal 175 . Elle est un mal, d’abord parce qu’elle vexe et tourmente les<br />

174 On a faussement attribué cet effet à la liberté introduite par la révolution ; cri voit, dans le Tableau du<br />

Commerce de la Grèce, par Félix Beaujour, qu’il date de plus loin, malgré les règlements.<br />

175 « Chaque mouvement que le législateur fait pour restreindre la liberté des actions des hommes emporte<br />

toujours une portion de l’activité du corps <strong>politique</strong>, et nuit à la reproduction naturelle. » VERRI, Réflexions sur<br />

l’Économie <strong>politique</strong>, chap. 12.

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