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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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C’est pourquoi les gens exerçant une profession quelconque, sont ordinairement portés à<br />

solliciter des règlements de la part de l’autorité publique ; et l’autorité publique, y trouvant<br />

toujours de son côté l’occasion de lever de l’argent, est fort disposée à les accorder.<br />

Les règlements, d’ailleurs, flattent l’amour-propre de ceux qui disposent du pouvoir ; ils<br />

leur donnent l’air de la sagesse et de la prudence ; ils confirment leur autorité, qui paraît<br />

d’autant plus indispensable qu’elle est plus souvent exercée. Aussi n’existe-t-il peut-être pas<br />

un seul pays en Europe où il soit loisible à un homme de disposer de son industrie et de ses<br />

capitaux selon ses convenances ; dans la plupart, on ne peu changer de place et de<br />

profession à son gré. Il ne suffit pas qu’on ait la volonté et le talent nécessaires pour être<br />

fabricant et marchand d’étoffes de laine ou de soie, de quincailleries ou de liqueurs ; il faut<br />

encore qu’on ait acquis la maîtrise ou qu’on fasse partie d’un corps de métiers 166 .<br />

Les maîtrises sont de plus un moyen de police ; non de cette police favorable à la sûreté<br />

des particuliers et du public, et qui peut toujours s’exercer à peu de frais et sans vexation,<br />

mais de cette police que les mauvais gouvernements emploient, quoiqu’elle coûte, pour<br />

conserver l’autorité dans leurs mains et pour l’étendre. Par des faveurs honorifiques ou<br />

pécuniaires, l’autorité dispose des chefs qu’elle donne à la corporation des maîtres. Ces<br />

chefs ou syndics, flattés du pouvoir et des distinctions attachés à leur grade, cherchent à les<br />

mériter par leur complaisance envers l’autorité. Ils se rendent son interprète auprès des<br />

hommes de leur profession ; ils lui désignent ceux dont on doit craindre la fermeté, ceux<br />

dont on peut employer la souplesse ; on colore ensuite tout cela de motifs de bien général.<br />

Dans les discours qu’on tient d’office ou qu’on fait tenir en public, on insère d’assez bonnes<br />

raisons pour maintenir des restrictions contraires à la liberté, ou pour en établir de<br />

nouvelles ; car il n’y a pas de mauvaise cause en faveur de laquelle on ne puisse apporter<br />

quelque bonne raison.<br />

L’avantage principal, et celui sur lequel on appuie le plus volontiers, est de procurer au<br />

consommateur des produits d’une exécution plus parfaite, garantie qui est favorable au<br />

commerce national, et assure la continuation de la faveur des étrangers.<br />

Mais cet avantage, l’obtient-on par les maîtrises Sont-elles une garantie suffisante que<br />

le corps de métier n’est composé, je ne dis pas seulement d’honnêtes gens, mais que de gens<br />

très délicats, comme il faudrait qu’ils fussent pour ne jamais tromper ni leurs concitoyens ni<br />

l’étranger <br />

Les maîtrises, dit-on, facilitent l’exécution des règlements qui vérifient et attestent la<br />

bonne qualité des produits ; mais, même avec les maîtrises, ces vérifications et ces<br />

attestations ne sont-elles pas illusoires, et, dans le cas où elles sont absolument nécessaires,<br />

n’y a-t-il aucun moyen plus simple de l’obtenir <br />

La longueur de l’apprentissage ne garantit pas mieux la perfection de l’ouvrage : c’est<br />

l’aptitude de l’ouvrier et un salaire proportionné au mérite de son travail, qui seuls<br />

garantissent efficacement cette perfection. « Il n’est point de profession mécanique, dit<br />

Smith, dont les procédés ne puissent être enseignés en quelques semaines, et pour quelquesunes<br />

des plus communes, quelques jours sont suffisants. La dextérité de la main ne peut, à<br />

la vérité, être acquise que par une grande pratique ; mais cette pratique elle-même ne<br />

s’acquerrait-elle pas plus promptement, si un jeune homme, au lieu de travailler comme<br />

apprenti, c’est-à-dire de force, nonchalamment et sans intérêt, était payé selon le mérite et la<br />

166 Lorsque l’industrie commençait à naître au Moyen Age, et que les négociants se trouvaient exposés aux<br />

avanies d’une noblesse avide et peu éclairée, les corps d’arts et métiers furent très utiles pour procurer à<br />

l’industrie l’appui qui résulte d’une association. Ce genre d’utilité a complètement cessé depuis, parce que les<br />

gouvernements sont, de nos jours, ou trop éclairés pour altérer les sources qui alimentent leurs finances, ou trop<br />

puissants pour être obligés de ménager de telles associations.

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