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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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èglements, ne devrait jamais acquérir une certaine branche d’industrie, elle n’en serait pas<br />

plus pauvre à l’avenir, elle a pu employer ses capitaux d’une manière plus avantageuse 163 . »<br />

Smith a certainement raison au fond ; mais il est des circonstances qui peuvent modifier<br />

cette proposition généralement vraie, que chacun est le meilleur juge de l’emploi de son<br />

industrie et de ses capitaux.<br />

Smith a écrit dans un temps et dans un pays où l’on était et où l’on est encore fort éclairé<br />

sur ses intérêts, et fort peu disposé à négliger les profits qui peuvent résulter des emplois de<br />

capitaux et d’industrie, quels qu’ils soient. Mais toutes les nations ne sont pas encore<br />

parvenues au même point. Combien n’en est-il pas où, par des préjugés que le<br />

gouvernement seul peut vaincre, on est éloigné de plusieurs excellents emplois de capitaux !<br />

Combien n’y a-t-il pas de villes et de provinces où l’on suit routinièrement les mêmes<br />

usages pour les placements d’argent ! Ici on ne sait placer qu’en rentes hypothéquées sur<br />

des terres ; là, qu’en maisons ; plus loin, que dans les charges et les emprunts publics. Toute<br />

application neuve de la puissance d’un capital est, dans ces lieux-là, un objet de méfiance<br />

ou de dédain, et la protection accordée à un emploi de travail et d’argent vraiment<br />

profitable, peut devenir un bienfait pour le pays.<br />

Enfin, telle industrie peut donner de la perte à un entrepreneur qui la mettrait en train<br />

sans secours, et qui pourtant est destinée à procurer de très gros bénéfices quand les<br />

ouvriers y seront façonnés, et que les premiers obstacles auront été surmontés.<br />

On possède actuellement en France les plus belles manufactures de soieries et de draps<br />

qu’il y ait au monde : peut-être les doit-on aux sages encouragements de Colbert. Il avança<br />

2000 francs aux manufacturiers par chaque métier battant ; et, pour le remarquer en passant,<br />

cette espèce d’encouragement avait un avantage tout particulier : communément le<br />

gouvernement lève, sur les produits de l’industrie privée, des contributions dont le montant<br />

est perdu pour la reproduction. Ici une partie des contributions était réemployée d’une<br />

manière productive. C’était une partie du revenu des particuliers qui allait grossir les<br />

capitaux productifs du royaume. À peine aurait-on pu espérer autant de la sagesse et de<br />

l’intérêt personnel des particuliers eux-mêmes 164 .<br />

Ce n’est pas ici le lieu d’examiner combien les encouragements, en général, ouvrent<br />

d’entrées aux dilapidations, aux faveurs injustes et à tous les abus qui s’introduisent dans<br />

les affaires des gouvernements. Un homme d’état habile, après avoir conçu le plan le plus<br />

évidemment bon, est souvent retenu par les vices qui doivent nécessairement se glisser dans<br />

son exécution. Un de ces inconvénients est d’accorder, comme cela arrive presque toujours,<br />

les encouragements et les autres faveurs dont les gouvernements disposent, non à ceux qui<br />

sont habiles à les mériter, mais à ceux qui sont habiles à les solliciter.<br />

Je ne prétends point, au reste, blâmer les distinctions ni même les récompenses<br />

pécuniaires accordées publiquement à des artistes ou à des artisans, pour prix d’un effort<br />

extraordinaire de leur génie ou de leur adresse. Les encouragements de ce genre excitent<br />

l’émulation et accroissent la masse des lumières générales, sans détourner l’industrie et les<br />

capitaux de leur emploi le plus avantageux. Ils occasionnent d’ailleurs une dépense peu<br />

considérable auprès de ce que coûtent, en général, les autres encouragements. La prime<br />

pour favoriser l’exportation des blés a coûté à l’Angleterre, suivant Smith, dans certaines<br />

années, plus de sept millions de nos francs. Je ne crois pas que jamais le gouvernement<br />

163 Richesse des Nations, livre IV, chap. 2.<br />

164 Je suis bien éloigné d’approuver également tous les encouragements donnes sous le même ministère, et<br />

surtout les dépenses faites en faveur de plusieurs établissements purement de faste, et qui, comme la manufacture<br />

des Gobelins, ont constamment coûté plus qu’ils n’ont produit.

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