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Traité d'économie politique - Institut Coppet

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Qu’on suppose une marchandise qui, terminée, puise se vendre 24 francs et rien de plus ;<br />

supposons encore qu’elle coûte en frais de production (en y comprenant toujours le profit de<br />

l’industrie qui la produit) 27 francs : il est clair que personne ne voudra se charger de la<br />

fabriquer, afin de ne pas supporter une perte de 3 francs. Mais si le gouvernement, pour<br />

encourager cette branche d’industrie, consent à supporter cette perte, c’est-à-dire, s’il<br />

accorde sur la fabrication de ce produit une prime de 3 francs, alors la fabrication aura lieu,<br />

et le trésor public, c’est-à-dire la nation, aura supporté une perte de 3 francs.<br />

On voit, par cet exemple, l’espèce d’avantage qui résulte d’un encouragement donné à<br />

une branche d’industrie quelconque qui ne peut pas se tirer d’affaire elle-même. C’est<br />

vouloir qu’on s’occupe d’une production désavantageuse, et où l’on fait un échange<br />

défavorable des avances contre les produits.<br />

S’il y a quelque bénéfice à retirer d’une industrie, elle n’a pas besoin d’encouragement ;<br />

s’il n’y a point de bénéfice à en retirer, elle ne mérite pas d’être encouragée. Ce serait en<br />

vain qu’on dirait que l’état peut profiter d’une industrie qui ne donnerait aucun bénéfice aux<br />

particuliers : comment l’état peut-il faire un profit, si ce n’est par les mains des<br />

particuliers <br />

On avancera peut-être que le gouvernement retire plus en impositions sur tel produit,<br />

qu’il ne lui coûte en encouragements ; mais alors il paie d’une main pour recevoir de<br />

l’autre ; qu’il diminue l’impôt de tout l montant de la prime, l’effet demeurera le même pour<br />

la production, et l’on épargnera les frais de l’administration des primes, et partie de ceux de<br />

l’administration des impôts.<br />

Quoique les primes soient une dépense qui diminue la masse des richesses que possède<br />

une nation, il est cependant des cas où il lui convient d’en faire le sacrifice, comme celui,<br />

par exemple, où l’on veut s’assurer des produits nécessaires à la sûreté de l’état, dussent-ils<br />

coûter au-delà de leur valeur. Louis XIV, voulant remonter la marine française, accorda 5<br />

francs par chaque tonneau 162 à tous ceux qui équiperaient des navires. Il voulait créer des<br />

matelots.<br />

Tel est encore le cas où la prime n’est que le remboursement d’un droit précédemment<br />

payé. C’est ainsi qu’en Angleterre, en France, on accorde à l’exportation du sucre raffiné<br />

une prime qui n’est au fond que le remboursement des droits d’entrée payés par les<br />

cassonades et par les sucres bruts.<br />

Peut-être un gouvernement fait-il bien encore d’accorder quelques encouragements à une<br />

production, qui, bien que donnant de la perte dans les commencements, doit pourtant<br />

donner évidemment des profits au bout de peu d’années. Smith n’est pas de cet avis.<br />

« Il n’est aucun encouragement, dit-il, qui puisse porter l’industrie d’une nation au-delà<br />

de ce que le capital de cette nation peut en mettre en activité. Il ne peut que détourner une<br />

portion de capital d’une certaine production pour la diriger vers une autre, et il n’est pas à<br />

supposer que cette production forcée soit plus avantageuse à la société, que celle qui aurait<br />

été naturellement préférée… etc. L’homme d’État qui voudrait diriger les volontés des<br />

particuliers, quant à l’emploi de leur industrie et de leurs capitaux, se chargerait non<br />

seulement d’un inutile soin, mais encore d’un soin qu’il serait très malheureux de voir<br />

confier à un seul homme, à un conseil, quelque sages qu’on veuille les supposer, et qui<br />

surtout ne saurait être en de plus mauvaises mains que dans celles d’administrateurs assez<br />

fous pour imaginer qu’ils sont capables de le prendre… Quand même la nation, faute de tels<br />

162 Dans le langage du navigateur, un tonneau est un poids qui équivaut à mille kilogrammes.

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